Le 3 mai 2011, je suis sorti du lit groggy. Mon parti, le Bloc québécois, venait de subir la raclée de sa vie.

Mais mon mal de tête de lendemain d’élections était plus profond. Un gouvernement majoritaire au Canada s’était fait élire sans grande adhésion du Québec. C’est avec un sentiment similaire qu’ont dû se réveiller beaucoup de partisans conservateurs de l’Ouest, mardi.

Le Parti libéral du Canada est aux portes du pouvoir majoritaire sans avoir fait élire un seul député en Alberta et en Saskatchewan. La prise de conscience est difficile : 100 % des électeurs de ces deux provinces auraient bien pu voter pour le Parti conservateur, rien ne serait aujourd’hui différent. Si cela pose quelques problèmes à Justin Trudeau dans la constitution de son cabinet, ça en posera certainement beaucoup à Andrew Scheer.

D’abord, malgré le fait que son directeur de cabinet, son plus proche conseiller, est québécois, la stratégie au Québec n’a pas porté ses fruits. En dépit des efforts réels d’Alain Rayes et de la qualité des candidatures, les électeurs ont préféré aller voir ailleurs. Dans ces circonstances et à la suite des échecs successifs de 2004, 2006, 2008, 2011 et 2015, pourquoi donc le Parti conservateur continuerait-il à faire des concessions au Québec ? Question de philosophie et de respect des prérogatives de chacun, pourrait-on dire. Pourquoi pas ? Mais la pilule sera difficile à avaler pour ces militants qui remplissent les coffres du PCC et qui voient encore le pouvoir leur échapper.

Qui plus est, avec un parti dont le centre de gravité est à Calgary, il est certain que les discussions du caucus tourneront autour des enjeux de l’Ouest et que les décisions prises le seront sur la perception de la politique telle que vue de là-bas. Andrew Scheer devra s’assurer que l’on n’oublie ni le Québec ni l’Ontario dans la prise en compte des points de vue. Vaste programme. Comme quoi, malgré les fusions, les débats lancinants continuent de faire rage et beaucoup doivent aujourd’hui jalouser le Québec, son Bloc québécois et s’ennuyer du Reform.

Ce n’est pas toi, c’est moi

Si le Bloc est sorti de l’hôpital, il n’est pas pour autant tiré d’affaire. Peu auraient parié sur un tel succès il y a de cela un an. Reste que déjà, il doit trancher certains débats. Un premier, technique : de qui entourer le chef et ses officiers parlementaires ? De péquistes qui ne sont pas passés à la CAQ ? D’employés caquistes qui reviendraient à d’anciennes amours ? Le dosage sera important parce qu’il indiquera déjà la réponse à une autre question, plus profonde.

Le Bloc sera-t-il l’allié du Parti québécois ou du gouvernement du Québec ? Si l’expérience de lundi apporte un quelconque éclairage, c’est qu’il devrait porter les dossiers du second.

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

Le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet,
salue ses partisans réunis au National, à Montréal, lundi dernier. La soirée électorale a pris des allures de fête pour les bloquistes, alors que le parti est parvenu à faire élire 32 candidats.

La majorité des électeurs québécois qui ont fait un X à côté du nom de leur candidate ou candidat bloquiste a peut-être déjà voté pour le PQ, mais ne l’a certainement pas fait en 2018.

Le Parti québécois devrait pourtant comprendre la position dans laquelle se retrouve le Bloc. Quand Martine Ouellet était cheffe, le mot d’ordre au PQ était de ne pas apparaître aux côtés des élus fédéraux. Un an plus tard, la situation est à l’inverse. Avec des élections qui pourraient advenir à tout moment, le Bloc québécois aura tout à gagner à tenir le PQ à un bras d’écart s’il ne veut pas subir de procès d’intention. Ce serait, en plus, mordre la main de François Legault. Yves-François Blanchet enverra peut-être une petite note à Pascal Bérubé disant : ce n’est pas toi, c’est moi. Après 20 ans de hauts et de bas, j’ai envie de vivre les prochains mois par moi-même.

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