On s’y attendait, nous avons un gouvernement minoritaire. Ce qui peut avoir ses avantages.

Le parti qui gouverne se retrouve forcé de travailler avec les autres plutôt que, comme on l’a connu lors des derniers mandats conservateurs et libéraux, de détenir tous les pouvoirs avec moins de 40 % du vote.

Bien entendu, ce n’est pas forcément la coutume de travailler de concert, tout au moins jusqu’à un certain point. Mais cela a parfois donné des résultats intéressants et, surtout, cela oblige le parti au pouvoir à prendre en compte les convictions et les préoccupations d’une plus large part des électeurs, telles qu’exprimées par le choix de leur représentant au Parlement.

Et si cela force les partis à travailler ensemble de manière plus collaborative, ce serait un gain énorme. Évidemment, une part de partisanerie demeurera toujours et chacun voudra poser ses pions pour les prochaines élections. Mais un dialogue sera aussi nécessaire, et j’ose espérer que dans ce contexte, on verra moins de ces procédures parlementaires qu’ont utilisées tant les libéraux que les conservateurs pour bâillonner une opposition qui, prise globalement, représentait pourtant la majorité des électeurs même si elle ne détenait pas la majorité des sièges.

On obtiendrait aussi tous ces avantages et plus si on adoptait un meilleur système électoral que le système actuel qui, comme je le soulignais plus haut, donne trop souvent des majorités omnipotentes à des partis politiques appuyés par moins de 40 % de la population, un système comme la proportionnelle mixte qui permet de conserver une représentation locale tout en assurant que la députation en Chambre représente vraiment les choix de la population.

Le système proportionnel mixte, qui existe déjà et fonctionne bien dans des pays comme l’Allemagne, a aussi l’énorme avantage que chaque vote compte et qu’on n’a pas à se soucier de ce fameux vote stratégique qui mène souvent à des résultats décevants et qui fait que plusieurs électeurs votent « en se pinçant le nez ».

Dans un tel système, si c’est le programme de tel ou tel parti que vous aimez, vous n’avez pas à hésiter : votre vote, quelle que soit votre circonscription, contribue à donner un député de plus au parti en question, et votre voix sera ainsi représentée. La crainte de voir se multiplier les petits partis, y compris potentiellement des partis extrémistes, est mal fondée dans la mesure où l’on peut établir un pourcentage plancher pour être représenté en Chambre.

Subvention pour chaque vote obtenu

Malheureusement, notre système actuel ne permet pas cela, ce qui alimente, je crois, notre cynisme envers la politique. Nous avons même régressé depuis quelques années avec l’abolition, par le gouvernement Harper, de la subvention donnée aux partis pour chaque vote obtenu. Combien de fois, plus jeune, ai-je voté pour le NPD en me disant que le parti n’avait aucune chance de gagner dans ma circonscription, mais que mon vote n’était pas complètement perdu ou inutile, puisqu’en plus de faire valoir mon opinion, je donnais un petit deux dollars aux finances du parti ?

L’argument de Stephen Harper et de ceux qui s’opposent à un tel système est que ce n’est pas le rôle de l’État de financer les partis politiques. C’est oublier que l’État finance déjà, et à plus grande échelle, les partis, et particulièrement les partis dont les donateurs sont les plus riches : si vous donnez 400 $ à un parti politique, vous obtiendrez 300 $ de crédit d’impôt. Bref, sur le don de 400 $, vous versez 100 $ et l’État, 300 $. Et la contribution de l’État augmente au fur et à mesure que le montant de votre don s’élève. Mais si vous donnez 20 $, l’État n’en verse que 15 et, en fait, rien du tout si vos revenus sont trop faibles pour être imposables.

Autrement dit, l’État subventionne massivement les plus gros donateurs, ceux qui ont les moyens de faire des contributions de 400, 1000 ou 1500 $, et les partis politiques que les gros donateurs appuient.

Et c’est nous tous qui payons pour cela. Il me semble qu’un système où chaque électeur serait « subventionné » de la même manière, comme le petit deux dollars pour chaque vote obtenu, serait beaucoup plus équitable.

Alors, rêvons un peu. Rêvons d’un système électoral plus juste et plus efficace. Rêvons d’un Parlement qui reflète vraiment les choix de la population. Rêvons d’un financement équitable des partis politiques. Rêvons que le dialogue nécessaire imposé au gouvernement libéral va nous mener à plus d’ouverture et de transparence et même, qui sait, à des périodes de questions qui ressemblent un peu moins à des joutes avec plus de bruit que de substance.

Rêvons aussi de mesures concrètes pour lutter contre les changements climatiques, de la diminution des inégalités, d’un vrai régime de santé qui nous couvre des pieds à la tête et du bureau du médecin à la sortie de la pharmacie, de logements abordables pour tous.

Rêvons de bien des choses. Et, surtout, agissons.

* Députée fédérale néo-démocrate depuis 2011, Hélène Laverdière ne se représentait pas aux élections fédérales de lundi dernier.

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