En 2000, j’ai écrit un livre intitulé Question d’identité, qui expliquait ma position sur ce qu’est l’identité québécoise.

Je précisais au départ ma propre identité. Né d’un père, Jean Duceppe, Québécois de souche et d’une mère, Hélène Rowley, dont le père, John James Rowley, était un « British Home Child » et la mère, Marie-Joseph Pilon, était une Québécoise de souche.

Mon grand-père n’a jamais renié ses origines et s’est intégré à la nation québécoise en élevant sa famille en français. Pourtant, mes amis me disaient souvent que mon grand-père n’était pas Canadien (c’est comme cela que les Québécois s’identifiaient à l’époque), mais Anglais. Cela me choquait, car il s’était parfaitement intégré.

Une nation évolue toujours

De Canadiens, nous sommes devenus Canadiens français, puis Québécois. Cette évolution s’est produite en réalisant que nous étions différents des autres Nord-Américains, qui sont anglophones et hispanophones (le Mexique, rappelons-le, fait partie de l’Amérique du Nord).

Le Québec est une société fragile, car sa population représente un peu moins de 2 % de la population nord-américaine tout en étant la seule société francophone de ce continent.

Je ne crois pas que l’identité québécoise soit menacée par le pluralisme, mais il faut reconnaître que le défi de la diversité s’avère important.

La culture est au cœur de l’évolution de la nation québécoise et principalement la langue. Le Québec a fait des pas énormes depuis quelques décennies. C’est au cours des années 60, lors de la Révolution tranquille, que nous nous sommes découverts et que le monde nous a découverts. Nous avons alors également découvert le monde et choisi de nous y ouvrir plutôt que de s’isoler. Mais pour participer pleinement à la réalité planétaire, à un grand ensemble, encore faut-il exister. On ne peut être citoyen du monde sans ancrage. Notre port d’attache, c’est le Québec, mais le Québec-province n’a malheureusement pas les pouvoirs et les moyens d’un Québec-pays.

Le socle de notre identité

Notre identité repose sur des valeurs et des principes enracinés dans l’histoire du Québec, qui est toujours en évolution. Je parle ici de l’égalité des femmes et des hommes ; du français, langue officielle et langue publique commune ; de la démocratie ; des droits fondamentaux ; de la laïcité ; du pluralisme ; de la solidarité collective ; du respect du patrimoine (qu’il faudrait grandement améliorer) ; du respect des droits historiques de la communauté anglo-québécoise ; du respect des droits des Premières Nations.

Citoyenneté et nationalité

Toutes les personnes qui vivent au Québec et qui possèdent la citoyenneté canadienne sont citoyennes et citoyens du Québec. Nous sommes toutes et tous Québécois et Québécoises sans exception.

La très grande majorité du peuple québécois est de nationalité québécoise. La minorité anglo-québécoise et les Premières Nations font également partie du peuple québécois.

Le Conseil de l’Europe a reconnu en 1997 que le traitement accordé à la minorité anglo-québécoise est exemplaire.

Le Québec fut également le premier à reconnaître que les autochtones formaient des nations, et la Paix des braves signée par Bernard Landry entre le Québec et la nation crie est également exemplaire. Il reste cependant beaucoup à faire pour respecter véritablement les Premières Nations. Le Québec doit concrétiser le droit à l’autodétermination des Premières Nations à l’intérieur de ses frontières, comme le prescrit la Charte des droits des peuples autochtones de l’ONU.

L’immigration, un enrichissement ; L’intégration, une nécessité

Le Bloc québécois déclarait dans son mémoire à la commission Bouchard-Taylor que « celui ou celle qui arrive au Québec ne se joint pas uniquement à une société, à un ensemble d’institutions et de lois. Il se joint à un peuple et à une nation, à un groupe humain avec des valeurs, à une culture, une histoire et un vouloir-vivre en commun. En quelque sorte, les Québécois adoptent un nouveau membre dans leur famille lorsqu’ils accueillent un nouvel arrivant. Or, l’adoption est plus exigeante que la cohabitation, tant pour la famille dont la dynamique change que pour celui qui s’y joint et dont la vie s’en trouve changée ».

Perspectives d’avenir

Dans ce même mémoire, le Bloc traçait des lignes prometteuses pour l’avenir. Il était écrit : « Nous devons développer ce même sentiment d’appartenance au Québec. D’une part, cela suppose de nous réconcilier avec notre identité, qui continuera de s’enrichir et d’évoluer, mais qui constitue le cadre principal d’intégration à la société d’accueil. De l’autre, il s’agit d’accueillir, de reconnaître et d’accepter la différence, ainsi que d’appliquer ensemble les règles nécessaires pour vivre en commun. Pour les personnes qui se joignent à la société québécoise, notre passé devient le leur ; nous partageons un présent commun ; nous allons bâtir un futur commun. Plus tard, nous pourrons évoquer un passé commun. »

La diversité fait la beauté du monde

La nation québécoise n’est ni supérieure ni inférieure à la nation canadienne. Il n’y a pas de meilleure nation au monde ni de meilleur pays. Le meilleur pays pour tout « citoyen du monde », c’est celui que l’on porte dans son cœur et dans sa tête. C’est là notre point d’ancrage pour participer pleinement à l’évolution de notre monde.

Nous ne voulons pas devenir « Planète Hollywood » ni « Planète Beijing ». L’avenir appartient aux pays, grands ou petits, et aux nations, grandes ou petites qui, librement, construiront un monde meilleur où la diversité pourra s’épanouir.

* Chef du Bloc québécois de 1997 à 2011, Gilles Duceppe a été député fédéral pendant 21 ans.

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