Malgré les efforts de Doug Ford et de Denise Bombardier, la question linguistique s’invite rarement dans les grands débats canadiens. L’étendard des langues officielles n’est guère brandi que par les francophones hors Québec, comme si la paix linguistique instaurée par les mesures des 50 dernières années n’avait laissé qu’un seul enjeu digne d’attention : la survie de leurs communautés.

Les francophones minoritaires ont misé largement sur les tribunaux, rencontrant des succès (écoles, Montfort, etc.) avant que n’émergent des signes d’essoufflement. Leurs états-majors comptent aujourd’hui sur l’engagement des grands partis à moderniser une Loi sur les langues officielles qu’on souhaite garante, un peu illusoirement, de vitalité communautaire.

Il y a lieu de se demander si en érigeant leur vitalité comme alpha et oméga de la question linguistique et de la Loi sur les langues officielles, les communautés ne négligent pas des ressorts argumentaires capables de mieux les positionner sur l’échiquier politique et d’éviter que leur cause ne devienne un « enjeu-boutique » dépourvu de forte résonance.

À l’heure où le Québec s’accommode de son sort canadien, où environnement, réconciliation et inégalités économiques préoccupent, il sera difficile de redonner aux communautés francophones la place qu’elles méritent dans les discussions nationales. Quelques pistes peuvent néanmoins être tracées.

Tout d’abord, réintroduire la notion d’équité. Au plan socioéconomique, les francophones minoritaires ne sont plus à plaindre ? Leurs écoles existent (presque) partout ? Des services fédéraux et provinciaux dans leur langue sont offerts à la majorité d’entre eux ? Certes.

Mais est-il juste que tant d’écoles manquent de ressources, que les services en français restent très partiels dans quantité de domaines et sur la majorité du territoire, que des efforts considérables soient exigés pour obtenir son dû dans sa langue ?

Même si les effectifs scolaires rendront impossible la parité parfaite, quel est l’écart acceptable en termes de durée du transport des élèves, de diversité d’options et de programmation ? Est-il juste que l’Acadien ou le Québécois francophone installé à Calgary ou Vancouver ait accès à des services dans sa langue incomparablement inférieurs en nombre et qualité à ce qu’aura l’Albertain anglophone transplanté au Québec ?

Poser ces questions, c’est réintroduire une logique d’équité pancanadienne susceptible de parler à des gouvernements provinciaux qui, membres de la Conférence ministérielle sur la francophonie canadienne, sont nombreux à s’y abreuver de belles paroles sans trop y donner suite.

L’appui du Québec

En second lieu, tabler sur l’appui du Québec. Un gouvernement ayant rangé la souveraineté au placard, soucieux de son image de champion du français et sensible aux vieilles solidarités canadiennes-françaises offre cette occasion. Elle est à saisir, sans renoncer à exiger qu’Ottawa exerce son rôle fiduciaire à l’égard des minorités linguistiques.

Est-il aussi permis d’espérer que les entreprises québécoises présentes ailleurs au Canada (les Metro, Jean Coutu, Cora, etc.) offrent un visage bilingue dans leur affichage et leur publicité, sinon dans leur service à la clientèle ? Après tout, elles le font bien dans le West-Island et dans l’Outaouais.

Cette ambition dépourvue de bâton juridique ou réglementaire miserait sur la bonne volonté d’entreprises habituées à la seule carotte du profit. Mais le jeu en vaudrait la chandelle : le citoyen ordinaire passe plus de temps dans les commerces qu’en contact avec ses gouvernements.

Troisième piste, tant qu’à combattre l’assimilation, s’attaquer à celle qui gruge des milliers de fonctionnaires fédéraux dans leur milieu professionnel, souvent même dans des ministères situés à Gatineau. Quantité de rapports dénoncent encore l’inégalité de statut de l’anglais et du français langues de travail dans la fonction publique fédérale.

Dernière suggestion, faire valoir le rôle des communautés minoritaires dans l’écologie de la fédération canadienne, en tant que pivots d’un dialogue nécessaire entre les deux grandes collectivités linguistiques du pays.

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