Les attaques récentes sous forme de tweets du chef du Parti populaire du Canada Maxime Bernier à l’endroit de la jeune militante environnementaliste suédoise Greta Thunberg illustrent bien la place que risque de prendre la recette populiste dans ces élections fédérales.

Par cette rhétorique, ce politicien a cherché à se distinguer des autres partis et à se présenter comme le défenseur de ceux et celles qui en ont marre de se faire dire que la planète est souffrante.

Le Canada n’échappe pas à la résurgence de cette nouvelle version du populisme qui s’est propagé en Europe et aux États-Unis. Le populisme s’inscrit dans une tendance générale qui favorise l’essor de discours et de personnalités populistes pouvant capter des sentiments de ressentiment et de frustration de populations qui se sentent dépassées par les transformations économiques et sociales.

Même si le premier ministre Justin Trudeau présente son programme et son parti comme les remparts contre la menace du populisme, il demeure que cette idéologie gagne du terrain un peu partout au pays.

Les récentes victoires de Doug Ford en Ontario et de Jason Kenney en Alberta témoignent de la popularité du populisme. Au Nouveau-Brunswick, le gouvernement conservateur détient le pouvoir en raison d’une alliance avec un parti de droite populiste, l’Alliance des gens du Nouveau-Brunswick.

Le « parler-vrai »

De façon générale, le populisme se définit comme une idéologie et un style qui visent à réduire la distance entre le peuple et le pouvoir. Le populisme dénonce les élites traditionnelles et les accuse d’être détachées des réalités sociales et économiques des « petites gens ».

Par un leader charismatique, la recette populiste consiste alors à mobiliser les passions telles l’identité nationale menacée par l’immigration de masse, les valeurs traditionnelles, la défense du monde rural.

Dans le contexte de la présente campagne, quelques caractéristiques de cette utilisation du populisme sont intéressantes à considérer.

Premièrement, le populisme se présente comme la plateforme du « parler-vrai », considérant que les partis traditionnels emploient une langue de bois trop consensuelle. Prendre pour cible la culture du politiquement correct permet de dénoncer une soi-disant domination des élites libérales de la gauche bien-pensante. Il faut savoir parler et vrai, et dire les choses comme elles le sont, car le système en place est fait de manière à empêcher la parole des citoyens ordinaires.

Le populisme tente de réduire la portée de certains faits présentés par des experts, et d’attaquer les groupes d’intérêt et les mouvements sociaux qui défendent des minorités. Ce parler-vrai devient personnel et abrasif. Il ne s’agit plus d’engager une discussion sur un enjeu de société, mais d’attaquer des individus. Le débat politique se présente alors comme une lutte entre deux camps polarisés.

Les « vraies questions » et les solutions simples

Deuxièmement, parler vrai signifie mettre les vraies questions sur la table. Des enjeux comme l’immigration, l’environnement, le multiculturalisme et les droits des minorités sexuelles tendent à diviser de plus en plus la population. La parole se libère, mais flirte avec la démagogie.

Même si le Canada se présente comme un pays tolérant et respectueux des diversités, les choses ne sont pas partout pareilles et certains partis exploitent le sentiment d’insécurité culturelle et économique comme la peur de l’immigrant qui ne nous ressemble pas et le clivage entre les métropoles et les régions rurales.

Enfin, le populisme exploite une logique du temps court et des solutions simplistes. Les slogans des partis visent à créer un sentiment d’urgence devant une situation présentée comme critique. On doit adopter des solutions tranchées comme ériger un mur pour bloquer l’immigration irrégulière à la frontière mexicano-américaine ou sortir la Grande-Bretagne de l’Union européenne avec le Brexit.

Il s’agit tout simplement de marteler un argument, de l’exploiter, de le réduire au plus petit dénominateur commun.

Contrer la recette populiste 

Lors de la campagne provinciale, François Legault n’a cessé de dire qu’il fallait réduire le nombre d’immigrants au Québec afin de mieux les intégrer. Moins d’immigrants pour une meilleure intégration visait surtout à rassurer la population québécoise.

Depuis son élection, le gouvernement de la CAQ augmente considérablement le nombre de travailleurs temporaires afin de répondre à des pénuries d’emploi à court terme et au sentiment de panique des régions qui se vident de leur population. On ne parle plus tellement de l’intégration, mais du besoin de main-d’œuvre.

Comment éviter une dérive populiste dans le discours électoral canadien ? Comment répondre à ce besoin de certaines populations d’être mieux entendues et reconnues ?

Des auteures comme la philosophe politique et politologue belge postmarxiste Chantal Mouffe, dans son récent essai For a Left Populism (Pour un populisme de gauche), ou la philosophe féministe américaine Nancy Fraser, dans The Old is Dying and the New Cannot Be Born, publié cette année, nous invitent à concevoir de nouvelles alliances entre des populations souvent mises en opposition par les discours politiques et médiatiques comme les travailleurs immigrants et les natifs. Après tous, elles sont confrontées à des réalités similaires comme la précarité du travail. Ces alliances doivent se faire, croient-elles, en réaction à l’hégémonie néolibérale.

C’est un populisme progressif et non réactionnaire qui vise à établir des ponts entre différentes réalités sociales et économiques. Cette forme de populisme plus égalitaire se remarque dans certaines mobilisations citoyennes plus locales qui expriment une forme radicale de la démocratie.

Dans la présente campagne électorale, il serait bien de reconnaître l’existence des inégalités sociales et de repenser les enjeux de redistribution et de justice sociale entre les individus, sans pour autant tomber dans la facilité proposée par la recette populiste.

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