Les débats en cours sur un régime pancanadien d’assurance médicaments et une nouvelle réglementation fédérale sur le contrôle des prix des médicaments illustrent, une fois de plus, à quel point le prix des nouveaux médicaments atteint des sommets inégalés au pays.

Alors que ces coûts grandissants créent une pression sans précédent sur les gouvernements et les institutions, la question de la pérennité de nos régimes privés et publics d’assurance médicaments est plus pressante que jamais.

Pour expliquer la hausse marquée des prix des médicaments, on évoque la plupart du temps la recherche effectuée par le secteur « novateur » de l’industrie pharmaceutique afin de développer de nouveaux traitements plus efficaces. Cette perception peut être trompeuse. En effet, l’innovation n’est pas l’apanage des seuls fabricants de médicaments d’origine. Des entreprises canadiennes spécialisées dans la fabrication de médicaments génériques se montrent tout aussi avant-gardistes, à leur manière, en développant des produits dont les patients ont besoin, mais qui ne sont plus brevetés. Ce type d’innovation a l’avantage de contribuer à réduire, plutôt qu’à augmenter, les coûts en médicaments assumés par les gouvernements, les assureurs, les employeurs et les patients. Malheureusement, cette contribution est très peu présente dans le débat actuel.

Les fabricants de produits génériques produisent la vaste majorité des médicaments utilisés dans les pharmacies ou les hôpitaux du Canada. Trois ordonnances sur quatre le sont sous forme de génériques. Même s’ils existent depuis plusieurs années, une grande partie de ces médicaments continuent d’être des traitements de premier choix, et de sauver, améliorer ou prolonger la vie de millions de patients.

On ne relève toutefois que trop rarement le fait que les médicaments génériques peuvent être une source majeure d’innovation, que ce soit dans le traitement de nouvelles maladies ou afin de rendre le traitement plus acceptable par les patients. Voici deux exemples de telles innovations.

Une nouvelle vie pour des médicaments aux brevets échus

Il est possible, par de nouveaux projets de recherche clinique, de régénérer des médicaments dont les brevets sont arrivés à échéance et d’en permettre l’usage dans le traitement de nouvelles maladies.

Compte tenu de leur innocuité, prouvée par l’expérience, et de leur faible coût, ces médicaments « régénérés » sont d’autant plus intéressants pour les programmes publics et privés de remboursement des médicaments, en quête de solutions thérapeutiques à coût abordable.

Peu d’entreprises s’aventurent toutefois dans cette voie puisqu’elle s’avère risquée d’un point de vue commercial. En effet, rien ne garantit que les investissements supplémentaires en recherche requis puissent être récupérés, en l’absence de protection de la propriété intellectuelle.

La régénération des vieux médicaments nécessitera donc un dialogue entre gouvernements, assureurs et fabricants de médicaments génériques, et de nouvelles politiques, afin de la rendre viable.

Les gouvernements, les acteurs du système de santé et les patients ont toutefois beaucoup à y gagner, si nous voulons maintenir un accès universel et abordable aux médicaments requis par l’état de santé de notre population.

L’entreprise fièrement québécoise que je dirige, Pharmascience, participe activement à ce genre de projets, ici même à Montréal, malgré le risque financier impliqué. Le développement de tels médicaments correspond en tous points à notre mission, soit d’améliorer la santé des Canadiens tout en favorisant des changements sociaux positifs. Notre capacité à mener ces travaux à des résultats médicaux concrets et à des gains d’efficience pour le système de santé dépendra toutefois de l’ouverture des gouvernements à de nouvelles politiques encourageant la régénération des anciens médicaments.

Les enfants, grands oubliés

Un second exemple d’innovation « générique » porte sur l’amélioration des préparations pharmaceutiques existantes afin d’approvisionner de façon sécuritaire, innovante et pratique les populations vulnérables, comme les enfants, qui sont traditionnellement délaissées dans le développement de nouveaux médicaments.

En effet, aussi avancé soit-il, le système de soins de santé canadien accuse un retard préoccupant sur d’autres pays industrialisés en ce qui a trait à la disponibilité de médicaments servant à traiter les maladies graves touchant les enfants.

Ici aussi, le problème est avant tout économique. Dans la plupart des cas, les brevets des médicaments sans formulation pédiatrique sont échus, et il faudrait poursuivre le travail d’élaboration pour que des formes posologiques convenant aux enfants puissent être commercialisées. Malheureusement, le marché représenté par de telles populations pédiatriques est très faible et ne permet pas actuellement le recouvrement des travaux additionnels requis.

Sans l’adaptation de notre système d’approbation et de remboursement des médicaments, très peu de fabricants se risqueront dans cette avenue qui amènerait pourtant des solutions à de graves problèmes auxquels font face les pédiatres, les pharmaciens et les parents d’enfants malades.

Il est impératif de changer les perceptions et de procéder à ces ajustements de notre système d’assurance médicaments. Faute de quoi, l’innovation pharmaceutique continuera à se limiter au développement coûteux de nouvelles substances et la flambée des prix se poursuivra. Notre système de santé peut-il se le permettre ? Voilà la question que les Canadiens doivent se poser.

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