En réponse au texte de Sylvain Charlebois, « Payer son lait, deux fois », publié le 25 août

Dans La Presse du dimanche 25 août, Sylvain Charlebois critique le programme d’indemnisation des producteurs de lait à la suite de l’Accord économique et commercial global avec l’Union européenne (AECG) ainsi que pour le Partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP).

Il reproche d’abord à ce programme d’être basé sur des pertes hypothétiques. L’AECG, par exemple, est en vigueur depuis près de trois ans. Les données d’Affaires mondiales Canada sont probantes et publiques. Pour les deux premières années, 99 % du fromage fin autorisé par cet accord est entré au Canada sans tarifs. Les pertes n’ont donc rien d’hypothétique : ce sont à terme 17 700 tonnes de fromages qui, sans cet accord, auraient été fabriqués ici avec du lait d’ici et qui désormais ne le seront plus.

Parallèlement, en 2018, seulement 0,5 % du porc, 3,1 % du bœuf et 8,8 % du maïs canadien autorisés à entrer sans tarifs en Europe par cet accord ont été exportés. Les producteurs d’ici, toutes productions confondues, ne recevant pas un soutien financier de l’État à la hauteur de celui offert à leurs concurrents européens, ont de la difficulté à être compétitifs avec le trésor public européen. En outre, en matière agricole, les gains anticipés de ces accords, eux, sont pour l’instant purement hypothétiques, mais les pertes des producteurs de lait sont déjà bien réelles et mesurables.

Les producteurs de lait ne souhaitaient pas d’indemnisation ; ils ne voulaient tout simplement pas servir de monnaie d’échange. Mais notre gouvernement en a décidé autrement et des concessions importantes ont été faites.

Le premier ministre Trudeau a lui-même reconnu les sacrifices répétés des producteurs laitiers pour permettre au Canada de conclure trois accords commerciaux qui sont censés globalement avoir des retombées positives pour l’économie canadienne.

Rien à voir avec le salaire

Par ailleurs, M. Charlebois affirme que les producteurs de lait ont un salaire moyen de 160 000 $ par année, en précisant que ce chiffre vient de Statistique Canada pour se donner un semblant de crédibilité. Or, ce chiffre n’a rien à voir avec le concept de salaire !

En réalité, cette somme représente la somme du revenu net d’exploitation de l’entreprise excluant les amortissements et les coûts en capital, notamment, comme si aucun bâtiment, équipement, troupeau ou fonds de terre n’était requis pour produire. Cette somme inclut aussi les revenus hors ferme comme ceux d’un ou d’une conjointe qui travaille à l’extérieur. Il fait donc erreur lorsqu’il parle d’un salaire annuel de producteur laitier.

Au Québec, selon l’enquête du coût de production supervisée par la Commission canadienne du lait, sur nos entreprises, les résultats démontrent que la somme moyenne par famille tirée de la ferme laitière pour assurer le coût de la vie était de 42 311 $ pour l’année 2018. C’est bien modeste pour être à la fois gestionnaire d’une entreprise et pour prendre soin d’un troupeau 7 jours sur 7, 52 semaines sur 52.

Pour ce qui est de la vision du secteur laitier, si Sylvain Charlebois n’a jamais vraiment réussi à exprimer clairement la sienne, l’industrie, elle, en a une. 

Outre les planifications stratégiques aux niveaux provincial et fédéral pour la production, la filière laitière québécoise est dotée d’une planification stratégique qui mobilise producteurs et transformateurs.

De plus, dans un contexte de forte croissance de la demande laitière au pays, en 2018, on estime que les investissements en bâtiments, machinerie et équipements sur les fermes sont de plus de 730 millions au Québec. Les producteurs laitiers ont investi dans leur entreprise pour la rendre plus performante, efficace et durable.

La production et la transformation laitières génèrent au Québec quelque 83 000 emplois directs, indirects et induits et contribuent à hauteur de 6,2 milliards au produit intérieur brut. Finalement, elles entraînent des retombées fiscales de 1,3 milliard. À l’échelle canadienne, le secteur laitier contribue pour 19,9 milliards au PIB, génère 221 000 emplois et contribue pour 3,8 milliards en recette fiscale. 

Malgré les indemnisations annoncées, les producteurs auront quand même à assumer une part des effets à long terme des pertes qui découleront des trois accords, mais cette indemnisation aidera le secteur laitier à maintenir sa contribution majeure à l’économie canadienne et contribuera à la stabilité du secteur. Nos fermes laitières ne se délocalisent pas. L’aide accordée par le gouvernement sera donc entièrement dépensée et réinvestie dans l’économie québécoise et canadienne.

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