Le sujet de l’immigration promet de dominer la campagne électorale. Nombreux sont les politiciens qui traitent du sujet. Tout aussi nombreuses sont les absurdités qu’ils profèrent. Parmi celles-ci, on peut retrouver l’affirmation voulant que les immigrants constituent un drain fiscal. 

Le « drain fiscal » est l’idée que les immigrants coûtent plus cher à l’État qu’ils ne rapportent en revenus additionnels. Puisqu’il est vrai que le taux d’emploi des immigrants est généralement inférieur à la population native du pays, on s’imagine qu’il coûte cher à l’État canadien d’admettre ces immigrants puisqu’une grande partie ne travaille pas. 

D’un côté, ceux qui font cette affirmation s’en servent pour justifier une réduction des seuils d’immigration. De l’autre côté, ceux qui défendent le maintien ou l’augmentation des seuils d’immigration refusent de répondre à ce point. Puisque ces derniers ne semblent pas prêts à le dire, il convient de l’expliquer à leur place : il n’y a pas de drain fiscal. 

Afin d’estimer le coût fiscal net des immigrants, on cherche à faire la somme des services publics qu’ils consomment ainsi que la somme des revenus qu’ils rapportent à l’État. Ensuite, on divise ce coût par le nombre d’immigrants et on a le coût moyen par immigrant. C’est ainsi que certaines études fréquemment citées arrivent à des coûts moyens d’environ 6000 $ par immigrant. 

Deux failles

Cependant, il y a deux failles avec cette approche. La première faille, c’est que ça ne nous dit rien sur le coût d’un immigrant additionnel. L’entrée d’un immigrant de plus au Canada n’augmente pas les dépenses de l’État de 6000 $. Prenons l’exemple des routes. L’une des plus grandes dépenses du ministère des Transports consiste à construire la route. Toutefois, une fois la route construite, un usager de plus ou de moins (ou même 1000 usagers) ne change pas les dépenses du ministère. Cependant, les revenus produits par un immigrant additionnel restent relativement constants. Cet exemple sert à démontrer qu’il faut considérer non pas le coût moyen mais le coût du prochain immigrant. L’économiste Krishna Pendakhur a tenu compte de ce simple fait et a découvert que le coût se situe plus proche de 500 $ par immigrant – un chiffre nettement inférieur à celui fréquemment publicisé. 

La seconde faille est que ce chiffre ne tient compte que des immigrants. Il ne nous dit rien quant à l’effet des immigrants sur la population native.

Contrairement à la croyance populaire, les immigrants ont tendance à augmenter les salaires de la population pour la vaste majorité de la population.

L’immigration augmente certes l’offre de travailleurs (ce qui devrait faire baisser les salaires), mais elle augmente aussi la demande de travailleurs (ce qui augmente les salaires) puisque les nouveaux arrivants consomment des biens et services. 

En fait, l’arrivée des immigrants augmente la taille du marché du travail. Il s’agit là d’un fait crucial. Plusieurs économistes soulignent que la taille du marché affecte notre capacité à nous spécialiser. Le niveau de spécialisation, à son tour, détermine notre richesse collective. Plus on se spécialise, plus on est riche. Prenons l’exemple concret des États-Unis. L’économiste Delia Furtado a montré que l’arrivée de travailleurs peu qualifiés provenant de pays hispanophones aux États-Unis a augmenté considérablement l’offre de services de garde. Grâce à une plus grande offre de ce genre de services, plusieurs mères ont pu retourner plus rapidement au travail, ce qui a eu un effet positif considérable sur le revenu des ménages américains. La même logique fonctionne si les immigrants sont très qualifiés. Un médecin étranger de plus permet de réduire les listes d’attente dans les hôpitaux, ce qui permet un retour plus prompt au travail pour les gens malades. Ce n’est qu’un des nombreux exemples de cas expliquant l’augmentation des revenus grâce à l’immigration. 

Dans les deux cas, il y a un effet positif (modeste) sur la population native. Aux États-Unis, les estimations les plus modérées placent ce gain à 0,3 % du revenu moyen alors que les estimations les plus généreuses le placent à 1,25 %. Ce gain pour les natifs implique que les revenus de l’État augmentent puisqu’il est capable de collecter davantage d’une population qui s’est enrichie. Généralement, quand les économistes tiennent compte de cet effet, ils découvrent que l’immigration ne change rien à la situation fiscale de l’État. 

Une bande de politiciens populistes auront beau crier sur tous les toits que l’immigration mènera à notre faillite, cette affirmation ne résiste pas à l’épreuve des faits. À la manière de quelqu’un qui ne commente qu’en majuscules sur Facebook, le fait de parler fort ne leur donne pas raison.

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