C’est annoncé : la conférence du congrès annuel de la Commission de la Relève de la CAQ (CRCAQ) traitera de liberté d’expression. C’est un sujet qui peut aller loin… ou stagner. Ceci est donc un appel à la jeunesse caquiste à se l’approprier avec originalité. Car c’est une question qui en a besoin, elle qui se trouve prise dans un écueil depuis trop longtemps.

Une intervention étatique contre la liberté d’expression ne passerait plus auprès de l’opinion publique, ni au Canada ni dans les pays dont il est proche culturellement. La censure qui nous menace le plus désormais, c’est celle des interventions populaires contre des auteurs et des orateurs ciblés.

Mon idée est que les outils théoriques avec lesquels on a analysé cette situation jusqu’à présent, s’ils pouvaient être appropriés en ce qui concernait la censure étatique, ne sont plus fonctionnels pour la censure populaire – d’où le fait qu’on n’y ait encore trouvé aucune piste de solution.

Le concept de « liberté d’expression » lui-même mérite qu’on s’en débarrasse (je trouve à la base le mot « liberté » flou, donc inutile n’y joue qu’à moitié). L’autre moitié – mais sans doute est-elle liée à la première – vient du fait qu’on l’utilise dans les deux camps. 

Ceux qui vont aux micros des conférences pour empêcher la discussion arguent qu’ils utilisent leur liberté d’expression. Ceux qui menacent pour éviter que se rassemblent des citoyens avec des idées opposées aux leurs parlent de liberté d’expression. Et ils ont raison. Quand on veut s’exprimer, tous les moyens sont bons.

Imaginons deux personnes criant l’une par-dessus l’autre au point de ne plus rien entendre : chacune déploie pleinement sa liberté d’expression, et pourtant leur liberté de penser s’atrophie proportionnellement. Il ne s’agit pas de créer une obligation légale d’écoute. Il s’agit de trouver un concept qui explicitera ce qu’on veut promouvoir par l’expression, et qui permettra de trancher entre la conférence et les cris qui la couvrent. 

Je propose celui de « droit au débat ». Car la liberté d’expression se justifie ainsi : comme moyen de l’avancement des idées – proposition, critique, contre-critique, résolution – et donc de l’avancement des humains. Il reste à vérifier si ce moyen correspond à ces fins.

Comme tout droit, le droit au débat ne peut être que défensif – c’est-à-dire qu’il ne peut viser qu’à empêcher la nuisance interpersonnelle que constitue une limitation du débat.

(Pour faire la comparaison avec un droit déjà existant et plus connu : le droit à la vie ne peut être que l’empêchement défensif du meurtre, pas l’assurance offensive de la vie. Autrement, l’étendue des moyens qu’on devrait prendre pour garantir toute vie serait illimitée, et la notion même de « droit » perdrait tout son sens.)

Avec cet outil légal, on pourrait enfin garantir à ceux qui considèrent avoir quelque chose à apporter à la suite de la recherche collective de la vérité qu’on ne les fera pas taire. La loi ne peut malheureusement pas leur fournir un temps d’audimat ni une colonne dans un journal.

Nous pouvons tous y travailler hors de l’État pour améliorer le débat, si nous valorisons suffisamment les idées et croyons assez en leur impact sur les humains, mais le faire par l’État reviendrait à limiter le droit au débat de ceux à qui on retirerait ces tribunes.

Encore faut-il commencer par oser réinterroger jusqu’aux fondements du débat sur le débat. Jeunes caquistes, débattez avec moi du/pour le droit au débat, et nous mériterons pleinement qu’on dise de nous que nous faisons de la politique autrement.

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