Avez-vous vu Tchernobyl ? Cette série qui raconte l’une des pires catastrophes nucléaires que le monde ait connues ? Personnellement, j’ai trouvé ça excellent.

Sur ce point, la chroniqueuse culturelle Sophie Durocher semblait en parfait accord avec moi. Jusqu’à ce que je lise, dans le dernier paragraphe de son texte, un commentaire tout à fait inattendu…

« J’ai très hâte de voir comment vont réagir nos amis de la gogauche, toujours prêts à dénoncer les dérapages des États-Unis, face à ce constat dévastateur pour l’ex-URSS. »

Mais d’où sort cette affirmation et pourquoi se retrouve-t-elle dans une critique culturelle ?

Ce genre de boutade, loin d’être exceptionnelle, semble désormais être la norme.

Prenons une récente chronique de Loïc Tassé dans Le Journal de Montréal. Il critique, avec raison, la place de la religion dans la politique américaine. Tout d’un coup, le texte prend une tournure assez caricaturale : les jeunes, courtisés par Québec solidaire, seraient contre la loi interdisant le port de signes religieux. Lorsque cette génération prendra le pouvoir, on assistera donc possiblement à un retour du religieux dans l’État.

Et pouf ! Tout d’un coup, avec une légèreté déconcertante, on a une association entre Québec solidaire, les jeunes et Mike Pence, qui justifie ses positions homophobes par la Bible.

Quand le chroniqueur devient militant 

Évidemment, les chroniqueurs ont tous une opinion et des valeurs ; c’est pour cela qu’on leur demande d’écrire. La chronique permet de faire partager un certain regard sur l’actualité, de raconter des histoires qui n’ont pas nécessairement fait la manchette ou de dénoncer des situations. Au Québec, la figure du chroniqueur est importante, voire prestigieuse. C’est porter le symbole du libre-penseur.

Que pense l’auteur ? Quel sera le regard nouveau ?

Une bonne chronique entretient un certain mystère entre son titre, le début et la fin. À l’inverse, pour ce petit groupe de chroniqueurs, on peut même deviner la prochaine phrase. 

Cela me rappelle la méthode des journaux communistes : un problème et toujours un seul coupable, le capitalisme. Dans ce cas-ci, ce nouveau méchant est ce qu’ils appellent « la gauche ».

« La gauche », évoquée avec des formulations non démontrées comme les « gauchistes multiculturalistes », « militants antilaïcité », « la gauche qui censure » ou « gauche moralisatrice », est désignée comme le nouvel ennemi. Des propos faciles à comprendre et surtout faciles à répéter. La construction de cet ennemi imaginaire vient légitimer un discours conservateur dans notre coin de pays qui, pourtant, il n’y a pas si longtemps, ne se définissait plus par des valeurs conservatrices.

On peut aussi s’étonner du nombre de raccourcis et de faussetés qui abondent dans ces chroniques. On nous dit que la gauche est contre la liberté d’expression et donc pour la censure. Vous êtes pour la liberté ? Alors, battez-vous contre la gauche !

L’économie derrière, le conservatisme devant 

Ce discours a fait beaucoup de convertis. Le dernier en lice est François Legault qui, après avoir renié ses convictions indépendantistes, disait être revenu en politique parce qu’on ne se souciait pas assez des enjeux économiques au Québec. Après la lecture du dernier livre du chroniqueur conservateur Mathieu Bock-Côté, le premier ministre affirmait sur les médias sociaux que condamner le conservatisme, c’est aussi condamner le nationalisme. Une affirmation qui aurait assurément été critiquée il y a 10 ans, et ce, même par les milieux nationalistes.

Le discours politique au Québec a changé. La droite ne parle plus d’économie.

Par des attaques systématiques et répétées contre une « gauche », un bloc de chroniqueurs, d’intellectuels, de militants et de politiciens a réussi à imposer son discours nationaliste conservateur comme l’un des éléments centraux de la conversation politique au Québec.

Un discours qui camoufle les vrais problèmes de notre société : les changements climatiques, les inégalités et la détérioration de notre qualité de vie.

Les mouvements de gauche ne doivent pas l’ignorer, et pour faire contrepoids, ils devront se regrouper pour s’y opposer avec force. La faiblesse de ces conservateurs est l’absence d’un projet de société, parce que rien n’est meilleur que le statu quo, même devant la menace des changements climatiques.

Notre rôle, à l’inverse, est de rassembler plutôt que de diviser, de ramener à l’avant-plan ce qui changera la vie de notre peuple : une économie plus juste, un véritable plan pour sauver la planète et une meilleure qualité de vie.

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