C’est sur l’air de Bella Ciao que la foule chantait la liberté et la joie de vivre dans les rues d’Alger cette semaine.

Plus tôt, c’est la vidéo d’une jeune femme déterminée clamant que le pays ne pourrait se libérer tant que la femme ne se libérerait pas qui avait été partagée sur toutes les tribunes. Malgré l’incertitude face à l’avenir politique du pays, c’est l’espoir de démocratie, de liberté et d’égalité qui souffle sur l’Algérie. 

Quel contraste avec les manifestations contre le projet de loi sur la laïcité de l’État qui ont lieu au même moment à Montréal ! Celle du 7 avril a particulièrement choqué. Une foule, dont une majorité de femmes portait le hijab, brandissant des pancartes québécophobes, avec en tête de cortège des hommes à barbe intégriste, et deux islamistes notoires vociférant contre le projet de loi en suscitant des « Allahou Akbar ».

La mise en scène rappelle les rassemblements des islamistes du Front islamique du salut lors de la décennie noire en Algérie. Comment en est-on arrivé là ? 

L’islam de mon enfance était un islam de partage, d’hospitalité, qui ne s’imposait à personne. La semaine dernière, lors d’une conférence que je donnais sur la laïcité, j’ai rencontré un Tunisien qui avait vécu à la même époque que moi, dans la même ville que moi, en Tunisie. Pour lui comme pour moi, ne pas s’imposer par un affichage religieux lorsqu’on travaille pour l’État relève du bon sens. La foi est une affaire personnelle qui ne se mesure ni à la longueur d’un voile ni à celle d’une barbe. 

Malheureusement, au Canada, les tenants d’un islam dogmatique et revendicateur sont encouragés par une interprétation absolutiste des droits considérant que toute limitation à l’affichage religieux porterait atteinte à la liberté religieuse. Or, à force de voir le monde sous la seule lorgnette des droits individuels, on perd le portrait d’ensemble, le sens du bien commun ; on ouvre la voie à l’intégrisme religieux. 

Comme le dit Yolande Geadah dans son livre Droit à la différence et non différence des droits, « l’approche juridique occidentale qui conçoit la liberté religieuse sous l’angle du choix individuel ne permet pas de tenir compte d’une réalité sociologique plus vaste, où des individus et des groupes organisés se réclament de la démocratie pour tenter de s’arroger un pouvoir abusif, niant ainsi des libertés fondamentales ». En particulier, cette approche juridique qui soutient le droit de celles qui revendiquent le voile « n’offre aucune protection à celles qui sont forcées de le porter, ce qui viole ainsi leur droit à la liberté de conscience ». 

Une attaque démesurée 

Le déploiement de l’artillerie lourde et l’enflure verbale à laquelle nous assistons présentement dans le dossier de la laïcité sont dirigés contre l’interdiction de l’affichage religieux chez les employés de l’État, et notamment chez les enseignantes.

Les arguments avancés prennent l’allure d’une défense du voile islamique, l’avocat Julius Grey allant jusqu’à suggérer qu’une enseignante voilée serait un bon modèle pour ses élèves. A-t-on fait tout ce chemin vers l’égalité pour en arriver là ?

Le voile islamique, qui est le véhicule le plus efficace de la propagande islamiste, est-il en voie de devenir le véhicule du multiculturalisme canadien ?

Les femmes et les petites filles musulmanes sont-elles les otages de cette confrontation politique visant à contester le caractère distinct du Québec au sein de la fédération canadienne ? 

Selon ses détracteurs, le projet de loi 21, approuvé par une majorité de Québécois, constituerait une discrimination à l’endroit des minorités. Ce discours n’a aucun sens. Tout d’abord, les exigences de neutralité qui en découlent concernent tous les employés des secteurs visés, sans aucune distinction de religion, de culture ou d’origine ethnique. D’autre part, de nombreuses organisations regroupant des citoyennes et citoyens de toutes provenances, notamment l’Association québécoise des Nord-Africains pour la laïcité (AQNAL) dont je fais partie, expriment leur appui à cette conception québécoise de la laïcité. D’ailleurs, selon divers sondages et recherches sur le terrain, il n’y a pas d’opposition binaire entre majorité et minorités ethnoculturelles dans ce domaine (lettre des universitaires en faveur du projet de loi 21).

Finalement, cessons de répéter ad nauseam que la minorité musulmane serait contre la laïcité. Comme le dit Kamel Amari, journaliste à TQ5, dans une capsule vidéo diffusée sur la page de Pour les droits des femmes du Québec, « ce sont les islamistes qui sont minoritaires. C’est pour cela qu’ils doivent faire beaucoup de bruit pour se faire remarquer ». 

Au-delà de la protection des droits individuels, la responsabilité du gouvernement est de veiller au bien commun et à la paix sociale. Pour cela, il est primordial de s’assurer que la religion n’interfère pas dans les relations entre les institutions de l’État et les citoyens.

Bien qu’imparfait, le projet de loi 21 constitue une avancée majeure dans le sens de l’affirmation de la laïcité de l’État, enfin reconnue comme un principe fondamental du Québec, découlant d’un parcours historique spécifique de la nation québécoise.

C’est une loi de progrès social qui, une fois la déferlante passée, fera du Québec un modèle en Amérique du Nord en matière de laïcité, comme il l’a été en matière de protection sociale et d’éducation.

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