Les médecins ne sont pas des citoyens comme les autres. Parce qu'ils sauvent des vies? Parce qu'ils sont bien rémunérés? Parce qu'ils font de longues études? Non, ils bénéficient d'un traitement royal de la part du fisc: ce sont des travailleurs autonomes.

En comptabilité, un principe de base se nomme la «prééminence de la substance économique sur la forme juridique». Ce principe présuppose que la réalité économique doit primer la forme légale dans l'interprétation de normes. Ainsi, en substance économique, certains médecins sont des salariés, mais dans la forme juridique, on les considère comme des travailleurs autonomes.

Selon Revenu Québec, on est considéré travailleur autonome si «on a le libre choix des moyens d'exécution d'un contrat et qu'il n'y a aucun lien de subordination entre celui-ci et le client». En somme, le médecin est-il indépendant de son employeur? Pour ce faire, le gouvernement utilise plusieurs critères.

Un de ceux-ci est la propriété des outils de travail. Par exemple, est-ce que l'employeur fournit ou non les équipements? Certains médecins travaillant pour le secteur public se voient octroyer des instruments, des salles d'opération, des fournitures de bureau, etc. En somme, du point de vue des équipements, on peut dire que certains médecins sont des salariés.

Sur le plan des critères financiers, le médecin ne fixe pas son tarif. En effet, sa rémunération est fixée par une négociation avec le gouvernement. De plus, le gouvernement gère l'offre en contrôlant le nombre de nouveaux médecins diplômés annuellement.

Être payé à l'acte, alors que la demande ne surpasse pas l'offre et qu'elle est contrôlée par l'employeur, signifie que l'on assure un chiffre d'affaires annuel important à «l'entrepreneur». Est-ce que le contrat de travail a une fin effective à court terme? Même si le médecin a plusieurs clients ou patients différents, son seul véritable client est celui qu'il facture: la Régie de l'assurance maladie du Québec (RAMQ).

Le critère d'intégration remet aussi en doute le statut de travailleur autonome du médecin. Comme le travail du médecin fait partie intégrante des activités de l'hôpital, comment peut-on dire que le médecin n'est pas un employé de celui-ci? Le fisc s'en sort avec le critère de lien de subordination qui semble primer sur tous les autres: le médecin contrôle son travail et la façon de l'exécuter.

Plusieurs avantages

Évidemment, payer les médecins à l'acte et les considérer comme des travailleurs autonomes génèrent certains avantages. Le premier, il assure au gouvernement que ceux-ci effectueront un certain nombre d'actes puisque leur rémunération en dépend. Par contre, une commission pourrait avoir le même effet. De plus, cela permet à ne pas avoir à négocier un possible fonds de pension avec ceux-ci. Par contre, certains médecins seront tentés de générer certains actes facultatifs ou de bâcler leur exécution. J'ai une sinusite, pourquoi vous me pesez? Avez-vous réellement pris ma tension artérielle?

Je ne jette pas la pierre aux médecins, j'ai une grande admiration pour leur travail et l'endurance dont ils ont fait preuve durant leurs études. Le tout s'accompagne d'un horaire de vie parfois déséquilibré. Par contre, puisque les médecins ne prennent pas de risque d'affaires, comment peut-on leur permettre toutes ces déductions fiscales et l'incorporation? Il faut comprendre qu'on refuse ce privilège à d'autres travailleurs prenant réellement un risque financier et dont la rémunération est de loin inférieure.

Pendant que plusieurs médecins se présentent en politique, il serait sympathique d'avoir leur point de vue sur la question. L'interprétation de la fiscalité, est-ce deux poids deux mesures?

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