Aujourd'hui, une opération de paix africaine, la Mission internationale de soutien à la Centrafrique (MISCA), est déployée dans ce pays aux problèmes dantesques. Cette mission est la dixième opération de paix à s'établir en République centrafricaine depuis 1997. Toutes les autres ont échoué à rétablir la paix.

Depuis quinze ans, la communauté internationale navigue à vue en Centrafrique. La multiplication de ses opérations de paix ne repose sur aucune cohérence politique et stratégique. C'est du saupoudrage. De surcroit, elle provoque une discontinuité dans l'effort de paix et de reconstruction. Par exemple, ces missions sont souvent déployées pour un ou deux ans, pendant lesquels leurs mandats, définis par cinq organisations différentes, couvrent un nombre limité de questions - protection des dignitaires, tentatives de désarmement des milices et de reformatage des forces armées, accompagnement de processus électoraux, protection des réfugiés -, et touchent à peine aux problèmes structurels du pays : pauvreté, développement économique, renforcement des institutions, présence de l'État sur l'ensemble du pays.

Sur le terrain, ces missions disposent d'effectifs dérisoires de 200 à 1500 militaires et policiers civils qui doivent couvrir un territoire grand comme la France. Dans la réalité, les contingents ou les personnels s'aventurent rarement hors de la capitale, Bangui. Ils sont très mal équipés et leurs conditions de vie sont toujours précaires. Dans leur travail au quotidien, elles ne peuvent compter sur l'appui des leaders centrafricains, tous aussi cyniques et irresponsables les uns que les autres.

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Cette incapacité de la communauté internationale à s'attaquer sérieusement aux énormes problèmes du pays et à coordonner son action s'explique par le choc des intérêts particuliers de chacun des acteurs régionaux et internationaux engagés dans le conflit centrafricain. Ainsi, certains déploiements répondent aux préoccupations géopolitiques et financières de la France et d'un certain nombre de pays africains francophones. L'objectif des missions est trop souvent à courte vue - calmer le jeu politique interne par exemple - d'où des actions limitées dans le temps et dans l'espace sans prise avec les réalités concrètes du pays.

La Centrafrique n'est pas le premier pays à subir les atermoiements de la communauté internationale. Haïti a vécu un scénario similaire entre 1994 et 2000 : quatre missions sont successivement déployées, mais en 2004, c'est l'échec. Le pays plonge dans le chaos et l'ONU retourne sur place avec cette fois une grande opération de paix de 10 000 militaires et policiers civils. Elle y est toujours.

Dès lors, la MISCA est-elle condamnée à l'échec? Les choses commencent plutôt mal. La mission africaine manque de tout et doit absorber les quelque 3000 militaires et policiers civils des contingents d'une mission régionale déjà sur place, mal équipés, mal entraînés, et incapables d'empêcher les tueries à Bangui et ailleurs depuis le coup d'État de mars. L'Union africaine espère doubler ce nombre bientôt. Mais où les trouver? En attendant, la MISCA devra compter sur le soutien logistique et financier de la France et de l'Union européenne pour simplement exister.

Si elle veut avoir la moindre chance de réussir en Centrafrique et ne pas être condamnée à répéter les erreurs du passé, la communauté internationale doit cesser de disperser ses efforts et agir de manière cohérente. Elle doit mobiliser d'importantes ressources humaines, matérielles et financières et doter les forces de maintien de la paix d'un solide mandat de réconciliation nationale et de reconstruction. Elle doit avoir la patience de rester dans le pays aussi longtemps qu'il le faut, entre dix et vingt ans.

La mission africaine n'est pas le bon outil pour affronter une pareille tâche et doit, plus tôt que tard, être remplacée par une opération de Casques bleus de l'ONU.

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