Ce qui presse, c'est l'éradication et la prévention du terrorisme. Mais comment s'y prendre ?

Le débat sur la laïcité vient d'être relancé au sein du Parti québécois. De son côté, le gouvernement prépare un projet de loi sur le sujet (dont l'échéancier demeure imprécis). Est-ce le bon moment de rallumer cette controverse ? Les Québécois ont-ils vraiment le goût de rouvrir maintenant cette boîte de Pandore ?

L'ombre du terrorisme

Le dossier des accommodements peut attendre. Ici, l'urgence n'est pas de redresser une pratique que plusieurs, sans aucune preuve, qualifient erronément d'arbitraire et contraire aux valeurs du Québec. Le vrai problème est de dissiper les stéréotypes qui l'entourent.

Pour ce qui est de la laïcité, la crainte du terrorisme islamiste après les récentes attaques en Europe risque de peser indûment sur cette réflexion. Il serait donc sage de la reporter. Ce qui presse, maintenant, c'est l'éradication et la prévention du terrorisme. Mais comment s'y prendre ?

Intégrisme ou terrorisme ?

Un consensus émerge autour de la lutte à ce qu'il est maintenant convenu d'appeler l'intégrisme. Les débats récents ont fait grand état de ce danger et le gouvernement a amorcé une réflexion sur les stratégies à adopter. Mais une difficulté se pose qui pourrait tout compromettre : comment définit-on l'intégrisme ? Réponse convenue : une pratique religieuse extrêmement rigoriste, intolérante, jugée déraisonnable, excessive. On pense aux hassidim d'Outremont, aux catholiques férocement opposés à la contraception, au divorce et à l'avortement, au maire de Saguenay, Jean Tremblay, et bien d'autres. Mais sont-ils dans l'illégalité ?

Il y a manifestement un lien entre intégrisme et terrorisme, mais l'un ne conduit pas nécessairement à l'autre. D'où la question : la prévention de la radicalisation religieuse conduira-t-elle à surveiller tous les intégristes et à restreindre leurs droits ? Ce serait inadmissible. Les efforts doivent donc se porter plus spécifiquement sur les menaces terroristes (de toutes origines). Et ils doivent relever au premier chef de la police, afin de les mettre à l'abri des stratégies partisanes et des préjugés.

Les droits des musulmans

Autre écueil : on peut difficilement nier que la menace présente soit associée principalement à l'islam - une forme pervertie, « instrumentalisée » et très largement rejetée de l'islam, certes, mais le lien demeure néanmoins. Dès lors, comment évitera-t-on d'étendre à l'ensemble des musulmans la crainte et la méfiance que suscite à juste titre le terrorisme ? Le gouvernement est ici confronté à une tâche délicate, extrêmement complexe. Et le moment venu, il devra nous dire comment on va procéder pour identifier les sujets potentiellement dangereux sans écorcher tous les autres.

Les conséquences d'une chasse imprudente (contre « les Arabes », par exemple) pourraient être désastreuses. Il existe ici un risque d'aliéner une grande quantité de citoyens honnêtes.

La peur de l'islam

Le malaise face à l'islam a des racines très anciennes en Occident. Un imaginaire tenace en a fait depuis très longtemps un repoussoir de la « vraie » civilisation. Le Québec participe à cet imaginaire, comme bien d'autres sociétés. Le dévoiement de la grande tradition musulmane auquel nous assistons dans certains pays (dernier épisode : la flagellation du blogueur Badawi) ajoute à cette perception négative. Les actes terroristes font le reste.

Encore une fois, les Québécois, avec l'aide du gouvernement, de l'ensemble de la classe politique, des médias et des autres faiseurs d'opinions, vont devoir s'employer à faire les distinctions nécessaires entre les innocents, les radicaux, les terroristes potentiels et les criminels - en d'autres mots : à démêler les pensées, les paroles et les actes. Comme toujours, le plus difficile sera de s'en tenir aux faits et de se garder de les inventer quand ils ne sont pas connus.

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