La vie d'un autochtone vaut-elle moins que celle d'un autre Canadien ?

La question se pose à la suite du tragique incendie survenu dans la réserve de Pikangikum, cette semaine, dans lequel neuf membres d'une même famille, dont trois enfants en bas âge, ont péri.

Dans cette communauté éloignée, située près de la frontière entre l'Ontario et le Manitoba, il n'y a pas de service d'incendie. Et 95 % des 2400 habitants n'ont pas l'eau courante.

Manque de camions et d'équipement adéquat, absence de pompiers formés, coordination déficiente, les lacunes sont nombreuses dans les réserves lorsqu'il est question de lutte contre les incendies.

Sans compter que les maisons, souvent insalubres ou en mauvais état, ne répondent pas, pour la plupart, aux normes des codes du bâtiment et de prévention des incendies. Il n'est pas rare que les systèmes de chauffage d'appoint soient la cause des brasiers. Si on ajoute que les maisons sont surpeuplées, la catastrophe est inévitable.

Pikangikum en est le dernier exemple en lice. Il y en aura encore d'autres. Malheureusement.

Car dans plusieurs communautés, la méthode pour éteindre un brasier se résume à laisser brûler la maison, en espérant que ses occupants aient pu sortir à temps. Trop souvent, ce n'est pas le cas. Les maisons se transforment alors en pièges mortels, comme l'a tristement résumé cette semaine un chef autochtone.

Ottawa verse 26 millions annuellement pour soutenir les Premières Nations dans la lutte contre les incendies. Ça semble beaucoup... mais c'est peu quand on sait que la seule construction d'une caserne peut coûter quelques millions à une municipalité.

Dans les réserves, l'incidence des incendies est deux fois plus élevée que dans le reste du Canada ; le taux de mortalité est dix fois plus élevé, révélait déjà en 2011 un rapport déposé par le ministère des Affaires autochtones et du Nord du Canada.

Pourtant, on a tendance à balayer ces disparités d'un revers de main. Comme on le fait pour le taux de suicide anormalement élevé dans certaines communautés, le taux de décrochage effarant, les problèmes sociaux, la surreprésentation des autochtones dans la population carcérale. Comme si les autochtones étaient les seuls responsables de leurs malheurs.

Par son indifférence historique, c'est pourtant toute la société canadienne qui porte l'odieux de ces conditions du tiers-monde.

Le récent budget fédéral prévoit 8,4 milliards en cinq ans - une somme jamais vue -  pour améliorer la vie des autochtones, notamment les infrastructures (dont la construction de logements décents) et les conditions socioéconomiques.

L'argent est indispensable. Mais ce ne sera pas suffisant. Il faudra aussi du temps, beaucoup de temps, pour améliorer la situation après des décennies de misère. Et surtout, il faut commencer par s'ouvrir les yeux devant l'inacceptable.