La mort d'Alain Magloire, ce sans-abri abattu par des policiers au centre-ville de Montréal, est l'exemple patent de la faillite du système à prendre en charge des personnes avec des troubles de santé mentale.

« C'est un échec du réseau de la santé », a d'ailleurs déclaré le coroner Luc Malouin à la suite du dépôt de son rapport. Un constat qui n'est pas exagéré.

Alain Magloire souffrait de psychose schizophrénique. Pendant dix ans, il s'est promené de clinique en hôpital, sans suivi, sans médication et sans que les nombreux intervenants rencontrés aient une vue d'ensemble de son dossier médical. Dans un hôpital où il a réclamé de l'aide, on lui a même dit de faire une demande au guichet unique d'accès en santé mentale !

Ce sinueux parcours l'a finalement conduit à menacer, en pleine rue, deux policiers avec un marteau le matin du 3 février 2014.

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Le coroner note certaines lacunes dans l'intervention policière, mais le problème concerne davantage la formation des policiers, qui n'est pas « adaptée » à la réalité.

Et cette réalité, surtout au centre-ville de Montréal, est de composer quotidiennement avec des personnes souffrant de problèmes de santé mentale.

Il est possible de mieux préparer les policiers, tout en restant conscient qu'ils ne deviendront pas pour autant des spécialistes en la matière.

Il faut miser sur des initiatives comme celles mises en place depuis quelques années pour améliorer les interventions auprès des clientèles difficiles, agitées ou agressives. Faire en sorte que plus de policiers suivent la formation RIC (réponse en intervention de crise); encourager davantage le recours aux patrouilles mixtes formées d'un intervenant social et d'un policier qui peuvent alors orienter l'individu en crise vers des organismes qui le prendront en charge, au lieu de l'envoyer dans les portes tournantes des urgences.

Surtout, il est impératif que le réseau de la santé puisse rejoindre les personnes malades dans leur milieu. C'est-à-dire dans la rue, bien souvent.

L'idée d'une « clinique de santé urbaine » est donc séduisante, à la condition qu'un médecin de famille soit prêt à se joindre à l'équipe. Tous les intervenants - policiers, travailleurs sociaux, travailleurs de rue et intervenants en santé - pourraient ainsi se parler et mieux travailler ensemble. La clé, c'est la communication.

Le rapport du coroner ravive le débat - controversé - sur l'utilisation du pistolet à impulsion électrique (Taser). Montréal n'en compte que 33 en service, comparativement à 200 pour Toronto.

On ne saura jamais si l'utilisation du Taser aurait changé le triste destin d'Alain  Magloire. Le policier muni d'un pistolet à impulsion électrique est arrivé 20 secondes après que le sans-abri eut été atteint mortellement par balle.

Comme l'intervention a duré quatre minutes à peine, cela montre une chose : le Taser doit se trouver dans les véhicules de patrouille et non au poste.

Mais le Taser reste un moyen d'intervention. Le réel problème auquel il est urgent de s'attaquer est l'incapacité du système de santé à prendre correctement en charge les personnes souffrant de problème de santé mentale, et en particulier les sans abri.