Hurler un commentaire sexiste et vulgaire en ondes pendant qu'une journaliste s'adresse en direct à la caméra n'est pas drôle : c'est dégradant, irrespectueux et idiot. Réagir par un congédiement est toutefois disproportionné.

Interrogeant les spectateurs au terme d'une finale de soccer, la journaliste Shauna Hunt a été interrompue en ondes par un homme criant une phrase vulgaire. Avec aplomb, la femme s'est tournée vers quelques partisans qui riaient de l'incident, leur demandant ce qui était drôle dans ces injures.

L'un d'eux, Shawn Simoes, a rétorqué que c'était « F... hilarant ». Ce n'est pas l'avis de son employeur, Hydro One, qui l'a prestement congédié pour avoir dérogé au code de conduite de l'entreprise.

Cet incident relance le débat sur la définition de l'espace public et privé, particulièrement dans le contexte de l'instantanéité et de la visibilité des réseaux sociaux. Il est normal que les entreprises exigent un comportement adéquat de leurs employés ; des gestes irréfléchis ternissent leur nom et peuvent avoir des conséquences durables.

Mais où se dresse la frontière entre la vie personnelle et la vie publique ?

Shawn Simoes était en congé et ne représentait pas son employeur. Surtout, ce n'est pas lui qui a prononcé la phrase vulgaire en ondes ; il en a ri.

Le congédiement est la mesure extrême d'une gamme de sanctions, allant d'une note au dossier à la suspension sans solde. La vive réaction de Hydro One donne l'impression qu'elle a surtout voulu protéger son image en se dissociant de propos qui - il faut le répéter - sont inacceptables.

À titre comparatif, un joueur des Alouettes vient d'être puni pour avoir publié sur Twitter un lien vers une vidéo rejetant l'Holocauste. Son geste contrevient à la politique de la Ligue canadienne de football qui bannit les propos dénigrants basés sur l'orientation sexuelle, le sexe ou l'origine ethnique. Il a reçu une amende...

Crier une phrase obscène quand une journaliste fait un direct à la télévision est une tendance qui prend de l'ampleur. Le geste peut sembler anodin, mais il entrave le travail des journalistes qui se sentent alors intimidées, en plus d'être considérablement réducteur. Dans la foulée des agressions sexuelles non dénoncées, un mouvement se lève pour dire : « Assez ! » Avec raison.

Mais ces gestes doivent-ils faire l'objet d'accusations criminelles comme l'a laissé entendre le ministre canadien de la Justice, Peter MacKay ? Sans les minimiser, il importe d'établir une nécessaire nuance entre la « blague » - aussi grossière soit-elle -, le harcèlement à répétition et le viol, dont les conséquences physiques et psychologiques sont graves.

La journaliste Shauna Hunt a probablement eu la meilleure réaction en confrontant le groupe de partisans hilares. La vidéo devenue virale, montrant d'eux une image peu glorieuse, risque de leur faire mal longtemps et d'en décourager plusieurs de les imiter.