Le ministre québécois de la Santé, Yves Bolduc, songe à déposer un projet de loi visant à interdire aux conducteurs de fumer dans leur voiture en présence de mineurs.

La concentration de fumée dans une auto, soutient une étude, serait 27 fois plus élevée qu'à l'intérieur des murs d'une maison.

 

Une loi semblable est déjà en vigueur dans plusieurs provinces canadiennes, dont l'Ontario et la Colombie-Britannique, ainsi que dans certains États américains.

À l'origine, on le comprend bien, il y a la volonté de protéger les enfants de la fumée secondaire et, dans une certaine mesure, du manque de jugement des adultes.

Car il faut sérieusement manquer de jugement pour fumer dans un si petit espace en présence d'enfants.

La plupart des fumeurs, même les plus invétérés, s'abstiennent généralement d'en griller une lorsqu'il y a des jeunes dans l'auto.

Faut-il adopter une loi pour ceux et celles qui n'ont pas encore compris?

Les militants du Parti libéral estiment que oui. Réunis en conseil général le week-end dernier, ils ont voté une résolution en ce sens.

Cette résolution est malheureusement l'exemple type d'une bonne intention qui va trop loin. Car en voulant protéger la santé des enfants et leur droit à respirer un air non pollué, on s'immisce trop loin dans la vie privée des gens.

Le prédécesseur du ministre Bolduc, Philippe Couillard, l'avait d'ailleurs compris. Il a refusé d'adopter une loi en ce sens.

Il n'avait pas tort. Avant de sévir, utilisons des moyens moins coercitifs. Une bonne campagne de prévention en convaincrait sans doute plusieurs. On peut également penser à une campagne de sensibilisation auprès des parents dans les pouponnières, les centres de la petite enfance et les écoles.

Quand l'État entre dans la voiture des individus et réglemente un comportement qui n'a rien à voir avec la conduite automobile et la sécurité routière, c'est un peu comme s'il mettait le bout du gros orteil dans la maison. Car la fumée de cigarette n'est pas la seule pratique adulte nocive. La consommation d'alcool peut l'être également. Une fête trop arrosée qui se termine mal peut aussi avoir des conséquences néfastes pour les enfants. Faudrait-il interdire aux adultes de consommer de l'alcool en leur présence? Poussons cette idée un peu plus loin et prenons l'exemple de la malbouffe, par exemple. Peut-on imaginer un jour qu'une police de l'alimentation viendra fouiller dans notre garde-manger pour vérifier s'il n'y a pas d'aliments qui contiennent des gras trans? Une police de la bonne forme physique nous surveillera-t-elle pour s'assurer que nos enfants bougent au moins 30 minutes par jour (sous peine d'une contravention salée)? Où faut-il tracer la frontière de l'intervention de l'État dans la vie des citoyens ordinaires pour protéger la santé et le bien-être de leurs enfants? Utilisons le gros bon sens avant d'adopter une loi qui grugerait un peu plus les libertés individuelles.

nathalie.collard@lapresse.ca