Y a-t-il là un mystère cosmique? Comment se fait-il que les films québécois amassent des montagnes de prix, de trophées, de médailles, dans la constellation de festivals existant sur la planète, mais ne parviennent pas à séduire leur premier public dans les salles du Québec?

La question a été posée mille fois, mais n'a jamais obtenu de réponse satisfaisante.

Le manque de sophistication du public? C'est l'argument le plus souvent avancé et un préjugé passablement méprisant mais, sur le long terme, il ne correspond pas à la réalité. Le manque de moyens? Non plus, bien que les pressions pour obtenir toujours davantage des gouvernements soient constantes... comme c'est le cas pour le livre, l'éducation, le théâtre, les soins de santé, la muséologie, l'aide sociale, la musique, l'énergie éolienne, les arts visuels et le déneigement.

Enfin, le manque de talent? Faux, on s'en rend compte plus que jamais cette semaine.

Après l'admission de Denis Villeneuve dans la cour des grands avec Prisoners (également présent dans la course aux Oscars), Jean-Marc Vallée y accède aussi. Son film, Dallas Buyers Club, a en effet obtenu six nominations dans cette compétition, notamment dans la catégorie la plus prestigieuse, celle du meilleur film. Jamais un cinéaste québécois ne s'était inscrit de façon aussi spectaculaire dans cette course, elle-même la plus illustre au monde.

Vallée a tourné ce film avec un budget de misère à l'échelle américaine, 5 millions, ce qui est à la portée d'une production québécoise.

L'oeuvre porte sur un sujet difficile inspiré d'un fait vécu, l'époque héroïque de la lutte au VIH-SIDA, que Vallée a eu le génie de traiter de façon extrêmement attachante en poussant deux acteurs au sublime. Matthew McConaughey et Jared Leto sont d'ailleurs tous deux en nomination (acteur et acteur de soutien).

Dallas Buyers Club ne réalisera pas les recettes d'Avatar, ce n'est d'ailleurs pas ce qu'on lui demande. Mais, en tout début de carrière et distribué de façon presque confidentielle, il a déjà récolté 15 millions en sol nord-américain.

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On notera que c'est sept fois plus qu'Inside Llewyn Davis des frères Coen, ces monstres sacrés à la filmographie impressionnante.

L'affaire est intéressante parce que, comme l'oeuvre de Vallée, il s'agit d'un film «d'époque», celle du Greenwich Village des années 1960, également inspiré d'une histoire vécue. Or, Inside... a été boudé aux Oscars comme en salles, malgré les révérences de la critique qui y a vu le film de l'année. Cette contre-performance étonne... jusqu'au moment où on a vu le film, gris et brouillon, dont on n'arrive pas à dégager le véritable propos. Il n'émeut pas, contrairement au film de Jean-Marc Vallée qui, dit-il lui-même, repose sur «une histoire dure et belle qui a réussi à toucher le coeur des gens».

À verser au dossier du mystère cosmique.