À Saint-Lambert, deux voisins se querellent depuis 26 ans au sujet d'une haie de cèdres servant de frontière entre leurs propriétés. Vingt-six ans! Ils ont fréquenté les tribunaux à plusieurs reprises sans obtenir satisfaction. Et, en cette fin d'année, ils se retrouvent à nouveau devant le juge, entourés d'une batterie d'avocats officiant de part et d'autre de cette haie de la discorde...

L'affaire est pleine d'ironie à l'approche du jour où il est coutume de souhaiter à son prochain une année heureuse et sereine. De la santé. Le paradis à la fin de leurs jours pour les croyants. Et la paix dans le monde, ajoutent ceux qui ont soit un poste élevé au Vatican (!), soit une conscience sociale admirable... mais naïve.

Il y a bien pire que les haies de cèdres, en effet, pour semer la zizanie.

Lorsqu'on parle de paix, il est en réalité question non pas de l'absence de litiges, mais de leur résolution sans violence, que celle-ci soit guerrière ou criminelle; qu'elle soit le fait d'individus, de groupes organisés ou d'États.

De la caverne au bungalow, l'exercice de toutes ces formes de violence a diminué, a démontré Steven Pinker dans The Better Angels of Our Nature, ouvrage souvent cité ici. Dans la même veine, l'Institute for Economics and Peace, qui évalue l'usage et le potentiel de violence dans 158 nations, indique qu'en 2011, celle-ci a diminué de 1,5% dans le monde. Le Canada est l'un des quatre pays les plus pacifiques, avec l'Islande, le Danemark et la Nouvelle-Zélande.

À l'autre extrémité, les 12 dernières places du même index appartiennent à des pays où l'on trouve tout l'éventail des pulsions négatives dont est affligée l'humanité, de l'appât du gain dans sa forme la plus brutale, jusqu'au fanatisme religieux, ethnique ou politique. La Somalie, l'Afghanistan et le Soudan font bloc à la queue du classement. Au Pakistan (149e sur 158), la terreur a fait plus de 40 morts, hier. La veille, 400 personnes ont été tuées en Syrie (passée en un an du 30e au 147e rang), un des jours les plus meurtriers depuis le début de la crise.

Ce qu'on voit là et ailleurs, c'est un déni de civilisation. Un rejet - parfois affirmé et même revendiqué - du progrès, dont la condition première est le remplacement de l'acte violent par la parole et la négociation.

Cette victoire de la raison ne sera jamais totale. Car il existe une telle chose que la face sombre de la bête humaine. Une telle chose que le mal. Une fraction de l'humanité se complaît dans la violence, la recherche, la provoque, en jouit. S'il doit toujours y avoir des litiges, de même il y aura toujours une minorité de gens pour n'envisager que la violence pour les résoudre. Sans parler de la violence gratuite, «pure», n'existant que pour elle-même, plus courante qu'on ne le croit.

Souhaitons-nous tout de même la paix... un voeu pieux, sans doute, mais qui, au moins, ne fait de mal à personne.