De la prison de Guantanamo où il a passé presque 10 ans de sa vie, Omar Khadr a été escorté au Canada, samedi, et est maintenant détenu en Ontario. Après avoir traversé le processus régulier d'évaluation, il pourrait être transféré au pénitencier de Sainte-Anne-des-Plaines, au nord de Montréal.

«Il est heureux d'être de retour chez lui [au Canada]», rapporte son avocat.

Cela ne met pas fin à la saga de Khadr, né à Toronto, mais qui a surtout vécu au Pakistan puis a été capturé par l'armée américaine en Afghanistan, en 2002, à l'âge de 15 ans. Cependant, il s'agit d'une étape cruciale pour le jeune homme et pour tous ceux qui ont lutté pour que l'État canadien le ramène au plus tôt.

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Le rapatriement d'Omar Khadr aura été une entreprise complexe, marquée par une longue et parfois mystérieuse valse-hésitation. Visiblement, le gouvernement Harper n'était pas chaud à l'idée de le voir revenir ici.

Pourquoi cette attitude?

Sans doute en partie parce que, même si militants et médias ont unanimement «adopté» le jeune homme, l'opinion publique, elle, a toujours été divisée.

Le vécu de l'enfant-soldat et de sa famille n'est pas de nature à attirer la sympathie, en effet. Son père, né en Égypte, abattu en 2003 par les forces pakistanaises, était un proche d'Oussama ben Laden et a élevé sa progéniture dans un bain d'islamisme, envoyant ses fils dans des camps d'entraînement, les faisant combattre avec lui. Pour les Khadr, le Canada n'était apparemment qu'un endroit où amasser des fonds et recevoir des soins de santé. Quant à Omar, il semble avoir participé avec enthousiasme au sacerdoce de son père - même mineur, jusqu'à quel point en comprenait-il les enjeux?

Mais il y a l'autre côté de la médaille.

Le doute existe sur la culpabilité du jeune Khadr dans la mort d'un soldat américain, ce dont il était accusé. À Guantanamo, il aurait subi des mauvais traitements, sans parler de la détention elle-même en un lieu échappant à toutes normes. Son procès, instruit dans un cadre militaire, est vu par plusieurs comme un simulacre de justice.

Maintenant, que faire de lui?

Théoriquement, Khadr doit encore purger six ans de détention. Son avocat affirme qu'il pourrait être libéré dès l'été 2013. Le ministre de la Sécurité publique, Vic Toews, laisse la décision à la Commission des libérations conditionnelles.

Or, il n'est pas inconcevable que celle-ci estime qu'Omar Khadr a eu une vie suffisamment misérable, sous la coupe de son père puis de ses geôliers, pour accéder bientôt à la liberté. Mais il y a autre chose à considérer. Les experts, psychiatres et autres, qui se sont penchés sur son cas ne s'entendent pas sur ce qu'il est, ce qu'il croit, ce qu'il nourrit comme ambitions. En clair: que fera-t-il quand il sera libre? Avec qui renouera-t-il des liens? Peut-il être encadré?

C'est ce qu'il faudra examiner avec humanité, certes, mais surtout sans naïveté.