«L'hypothèse d'un coup d'État militaire n'est pas à exclure», écrivait, hier, la correspondante au Caire du quotidien Le Monde. Or, il ne s'agit que d'un élément d'incertitude parmi d'autres, et pas le plus inquiétant, dans la situation héritée de la version égyptienne du printemps arabe depuis l'occupation de la place Tahrir et la chute d'Hosni Moubarak jusqu'à la victoire des islamistes à l'assemblée législative (dissoute depuis) et à la présidence.

D'ailleurs, un coup d'État soft n'a-t-il pas déjà eu lieu?

Les généraux ont en effet systématiquement mis la main, aux dépens du Parlement et de la présidence, sur presque toutes les responsabilités lourdes. Retour de la loi martiale. Appropriation de l'autorité législative et des travaux constitutionnels. Autonomie de l'armée quant à ses budgets, ses achats d'armes, son implication dans l'économie du pays. Enfin: gestion de la «sécurité nationale», ce qui ressemble fort à une option prise sur la politique étrangère de l'Égypte.

Autre élément d'incertitude, donc: comment le président élu, Mohamed Morsi, l'homme des Frères musulmans, gérera-t-il ses relations avec une armée redevenue toute puissante?

Et, au fait, qui est cet homme?

On le décrit comme faible, candidat par défaut, apôtre du compromis. Sitôt élu, n'a-t-il pas déclaré qu'il serait «le président de tous les Égyptiens», ce qui impliquerait une renonciation aux positions traditionnelles des fous d'Allah envers les femmes, les minorités, les chrétiens et... Israël? Mais ce n'est pas si simple. Paradoxalement, Morsi a au sein même de sa confrérie une réputation de conservateur, membre rigoriste du «bureau de la guidance» des Frères, capable à la fois de plaider en faveur de la charia et de promettre que «nous respecterons la volonté du peuple, les décisions de justice et la Constitution». L'ambiguïté, on l'a appris, est abondamment cultivée par les islamistes.

Tout cela fait en sorte qu'il faut un solide optimisme pour entrevoir un avenir véritablement démocratique dans le plus grand pays arabe, dont la gouvernance est désormais partagée - et disputée - entre islamistes et militaires.

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Et le «printemps», lui?

Après le bruit et la fureur de la place Tahrir, à peine plus de 50% des électeurs ont pris la peine de voter au second tour de la présidentielle. Et 48,3% d'entre eux l'ont fait en faveur d'Ahmed Chafik, le candidat identifié au régime Moubarak, certes, mais aussi à une perspective de stabilité. Il est vrai qu'aux législatives puis au premier tour de la présidentielle, la voix du libéralisme laïque a été étouffée.

Surtout, les Égyptiens ont d'autres chats à fouetter. Leur revenu réel, par exemple, a diminué de façon importante en 2011, résultat de l'effondrement du tourisme et des investissements étrangers.

La révolution ne nourrit pas. Et ses lendemains ne chantent pas toujours.