L'analyse est conforme à une réalité connue, mille fois vérifiée. «Les classes populaires ont les pieds sur terre. Elles se méfient de la radicalité verbale qui recouvre avant tout l'irréalisme», constate Laurent Joffrin, le directeur du Nouvel Observateur.

Il ne s'intéresse pas ici à la crise québécoise, qui se définit davantage chaque jour par le discours et l'action des radicaux. Mais plutôt à une joute électorale qui a passionné la France.

Il s'agit de l'affrontement entre Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon, entre extrême droite et extrême gauche, dans le cadre du premier tour des élections législatives qui avait lieu, dimanche. Le Pen et Mélenchon se battaient dans la onzième circonscription du Pas-de-Calais-Hénin-Beaumont, pas très loin de chez les Ch'tis! C'est une contrée largement ouvrière que le Front de gauche de Mélenchon croyait lui être due.

Terrible déconfiture, donc, de ce côté.

Marine Le Pen a raflé 42% des voix, contre 21,5% pour Jean-Luc Mélenchon. La présidente du Front national accède ainsi au second tour, qui l'opposera au socialiste Philippe Kemel (23,5%).

«La défaite du leader du Front de gauche à Hénin-Beaumont confirme la leçon du scrutin présidentiel: la gauche de la gauche n'est pas parvenue à convaincre les classes populaires. (Elle) ne fournit aucune alternative crédible à la droite ou à l'extrême droite», ajoute encore Joffrin.

Au niveau national, en effet, l'affaire s'est vérifiée aussi: dimanche, l'appui au Front de gauche a fondu par rapport à la présidentielle d'avril/mai, passant de 11 à 7%. C'est la moitié de ce qu'obtient le Front national au premier tour des législatives (13,5%), même si celui-ci a également baissé dans la faveur populaire.

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Voyez-vous, c'est ce qui est agaçant avec le peuple (et non, on ne peut pas en changer!). Il est rarement d'accord avec ceux et celles qui prônent des solutions extrêmes censées lui apporter le salut, autant par le jeu démocratique que par l'agitation de la «rue».

Au Québec, l'automne dernier, la révolution proposée par la branche locale du mouvement Occupy (dans lequel notre bourgeoisie de gauche mettait tant d'espoir) a tourné en eau de boudin. Aujourd'hui, la radicalisation de la CLASSE, le retour de la violence après le bref intermède des casseroles ainsi que l'influence de plus en plus grande de la CLAC (Convergence des luttes anticapitalistes) ne promettent pas un très bel avenir à l'actuel mouvement de contestation. On ne peut pas, en effet, négocier la casse avec les abonnés au Black Bloc (un, ou cinq, ou dix bris de vitrines autorisés par soir?). Ni négocier la fin du capitalisme avec la CLAC...

Il s'agit probablement d'une des raisons pour lesquelles le prolétariat, français comme québécois, n'a aucun goût pour les extrêmes: ils conduisent infailliblement à un cul-de-sac.