Une campagne électorale n'est pas faite pour qu'on y discute de choses sérieuses, veut l'adage... Vrai ou faux, il mérite d'être médité par la classe politique française. Sur le pied de guerre depuis des mois en prévision de la présidentielle du 22 avril (deuxième tour: 6 mai), les chefs de parti snobent en effet l'économie.

Les circonstances y ont été pour quelque chose: les événements de Toulouse ont avivé les thèmes de la menace djihadiste et du souci sécuritaire.

Certes, ces sujets répondent à une réalité, comme l'a précisément démontré la sanglante équipée de Mohamed Merah. Hier encore, la France a dû ordonner l'expulsion de cinq islamistes, dont l'un a été impliqué, à Marrakech, dans un attentat qui a tué 14 personnes. Les leaders musulmans approuvent d'ailleurs une politique de fermeté «pour repousser cette idéologie de haine» (Mohammed Moussaoui, président du Conseil français du culte musulman). Et prônent une «nouvelle formation des religieux, des imans» (Dalil Boubakeur, recteur de la Mosquée de Paris).

Néanmoins, l'économie est la véritable épée de Damoclès suspendue au-dessus de la tête des Gaulois.

Or, on en a peu parlé, ce qui n'est pas étranger au fait que les Français semblent désabusés du jeu électoral. Seulement 64% d'entre eux estiment que les candidats abordent les «bons» sujets et 32% pourraient ne pas voter au premier tour - ce qui battrait le record d'abstention, 28%, de 2002 (Ifop/JDD).

La réalité économique est têtue, en effet, même si on l'ignore. Et la liste des maux français est sans fin.

Le chômage perdure à 10%, deux fois plus qu'en Autriche ou aux Pays-Bas. La dette nationale, à 90% du PIB, continue à grimper. On y compte presque deux fois plus de fonctionnaires qu'en Allemagne (90 contre 50 par 1000). Les dépenses publiques grugent 56% de la richesse créée, la France étant ainsi, stricto sensu, un pays socialiste - ce qui sied bien à une nation où même la droite déteste foncièrement le capitalisme!

Bref, le prochain tremblement de terre économique dans la zone euro se produira en France, estime Nicolas Baverez, auteur en 2003 d'un essai prémonitoire, La France qui tombe.

Cela étant, que proposent Nicolas Sarkozy et François Hollande, les deux principaux candidats à la présidence lorsque, par le plus pur des hasards, ils abordent le sujet? L'un ou l'autre, ou les deux, promettent d'augmenter le salaire minimum. De créer des dizaines de milliers de nouveaux emplois publics. D'abaisser l'âge de la retraite. De taxer davantage. De «faire payer les riches», bien sûr, ultime lieu commun de la PPP, la petite politique politicienne.

Au total, les Français devront un jour affronter cette vérité qui dérange, prévient The Economist (qui titre «An inconvenient truth», un clin d'oeil à Al Gore...). Mais la très british bible économique ne voit pas cette prise de conscience advenir au cours de la présente joute électorale.