Le monde entier les déteste. Mais un jour, il pourrait s'ennuyer d'eux. De qui? Des Américains et du «nouvel ordre mondial» qu'ils parrainent. C'est la thèse que soutient Robert Kagan dans The World America Made (Le monde qu'a construit l'Amérique, non disponible en français).

L'auteur est un expert en politique internationale et un conservateur proche du Parti républicain. Malgré cela, sa vision de l'avenir a été endossée par Barack Obama dans son discours sur l'état de l'Union, en janvier dernier. Le président semble apprécier l'optimisme de Kagan, qui ne croit pas à la chute de l'empire américain.

Dans son plus récent ouvrage, l'essayiste n'en soupèse pas moins ce qui se produirait en un tel cas...

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L'hyperpuissance américaine est née pendant la Seconde Guerre mondiale lorsque, engagée dans la libération de l'Europe, elle a pris le relais de la métropole britannique en termes d'hégémonie planétaire.

Depuis ce temps, que s'est-il passé?

Le nombre de nations démocratiques a été multiplié par neuf, d'une douzaine en 1941 à 115 en 2001. La croissance annuelle moyenne de la richesse globale a été multipliée par quatre, de 1% pendant quatre siècles (!) à 4% depuis 1950. Et la violence guerrière est entrée dans une spectaculaire courbe descendante (on lira aussi Steven Pinker à ce sujet). «Notre époque est surtout réputée pour la guerre qui n'a pas eu lieu, celle entre les États-Unis et l'URSS», remarque Kagan.

Ces gigantesques progrès sont parfois tenus pour acquis. Mais ils sont le plus souvent niés de façon véhémente par ceux qui, ou bien ignorent le passé, ou bien sont engagés dans une croisade idéologique.

Cela dit, le principal argument que développe Kagan est qu'une chute de l'empire pourrait entraîner un déclin des valeurs qu'il a proposées au monde. Et ce, même si la métropole américaine elle-même n'a pas toujours été à la hauteur de son discours moral. Ainsi, la chute de Rome avait plongé le monde «civilisé» d'alors dans un long chaos.

On considère souvent la Chine comme la prochaine nation dominante.

Or, le cas échéant, quels seraient les modèles politiques et économiques offerts au monde? Quel type d'États seraient protégés - ou combattus - par la métropole chinoise? Lesquels seraient suffisamment confiants pour conclure avec elle des alliances militaires? On en a une idée en considérant qu'aujourd'hui, la Chine protège ses vassaux birman et nord-coréen. Qu'elle n'a actuellement aucun partenaire militaire formel, alors que les États-Unis en ont plus de 50...

Winston Churchill a un jour observé «qu'on peut toujours compter sur les Américains pour adopter la meilleure conduite, mais seulement après avoir essayé toutes les autres!» relate Robert Kagan. Sous le sarcasme, c'était un compliment de la part d'un homme qui a beaucoup vu comment, pour le meilleur et pour le pire, peuvent se comporter les grandes puissances.

À méditer.