Le dossier d'acquisition de 65 chasseurs F-35 de l'avionneur Lockheed Martin est devenu une bombe à retardement. Rien, absolument rien, ne va comme prévu. «L'achat des F-35 par le Canada est une coûteuse erreur», titrait il y a quelques jours le Canadian Foreign Policy Journal. Pendant ce temps s'abattait une avalanche de mauvaises nouvelles sur l'ambitieux projet multinational initialement évalué à 382 milliards$US.

D'abord, le coût des appareils destinés au Canada pourrait presque doubler pour atteindre les 30 milliards. Ce n'est pas sans lien avec les retards considérables dans le développement, grevé de sérieuses difficultés.

Ensuite, de la Grande-Bretagne à l'Italie, presque tous les partenaires du projet ont revu à la baisse leurs commandes: 70 et 40 appareils en moins, par exemple, dans les pays susmentionnés. Ou alors ils ont ajourné leur décision. Le F-35 est devenu un «mal de tête politique», dit le ministre néerlandais de la Défense. Aux États-Unis mêmes, le secrétaire à la Défense, Robert Gates, ne cache plus son scepticisme: il retranche 13 appareils dans l'immédiat et reporte l'achat de 179 autres au-delà de 2017!

Autre chose qui nous concerne. Le fait que le F-35 soit un monomoteur, que son autonomie et sa vitesse soient plus basses que celles du CF-18 périmé (2220 contre 3700 km, Mach 1.6 contre 1.8), que son entretien soit très exigeant, le rendent peu adapté aux missions dans l'Arctique auxquelles le destine le Canada.

C'est fâcheux.

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Mais il y a plus fondamental encore: faut-il, en 2012, engloutir autant d'argent dans un véhicule de combat qui est l'icône des guerres passées?

Selon le National Post, le cabinet Harper se pencherait sur la possibilité d'acquérir des drones. Cela a été nié, mais il est virtuellement impossible que personne n'en discute.

Car le drone est la machine volante de l'avenir, à la fois pour la reconnaissance et l'offensive ciblée. Il coûte dix fois moins cher qu'un chasseur, ne menace pas la vie de son pilote, est adapté à la plupart des interventions militaires contemporaines. Les États-Unis forment déjà davantage de pilotes de drones que d'avions de combat. Et, d'ici à ce que les F-35 soient mis en service, les capacités de ces engins auront encore évolué et offriront des solutions au moins partielles à nos besoins.

Le Canada, on le sait, n'est pas le champion de la perspicacité lorsqu'il magasine de la quincaillerie militaire - hélicoptères, véhicules terrestres, sous-marins... ceux-là mêmes qui, achetés d'occasion aux puces britanniques, se sont avérés parfaits tant qu'on ne les met pas dans l'eau! Aussi, la prudence consisterait certainement à mettre le dossier des F-35 sur la glace.

Et à y réfléchir encore un peu.