Il va bientôt être temps de céder à la coutume des bilans annuels, qui nous rappelleront les grands événements de 2011. Crise financière dans plusieurs pays développés et crise nucléaire au Japon. Fin de la guerre en Irak et exécution d'Oussama ben Laden. Tueries en Afghanistan et massacre en Norvège. Printemps arabe et hiver russe. L'indignation portée au rang de mot d'ordre planétaire...

Tous ces grands événements et d'autres, dont nous nous rappellerons aussi, ont modifié notre vision du monde.

Et on se rend à peine compte qu'ils naissent parfois de peu de choses. De petits faits qu'on qualifie de «divers» et qu'on néglige la plupart du temps - au mieux, ils se méritent habituellement quelques lignes dans la colonne des chiens écrasés.

Ainsi, se souvient-on que c'est un jeune vendeur de fruits miséreux d'un bled tunisien qui a déclenché le Printemps arabe en s'immolant par le feu? Et que c'est un fait divers de l'édition, pour ainsi dire, le diminutif et assez banal pamphlet Indignez-vous! de Stéphane Hessel, qui a mis au monde les Indignés de Madrid et les occupants de Wall Street?

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C'est la même chose au plan local.

Même si on ne connaît pas encore sa conclusion (le procès reprend le 9 janvier), l'affaire Shafia en a déjà dit beaucoup sur les difficultés d'adaptation vécues par certains immigrants. Dit beaucoup, également, sur la limite des compromis - peut-être même des compromissions, il faudra le déterminer - que notre société peut consentir quant à ses valeurs fondamentales.

Mille séances de commission sur le niqab et le kirpan, sur l'érouv et la crèche, sur le relativisme culturel et la laïcité, nous en diraient-elles davantage? Davantage que ce spectaculaire fait divers que dissèquent, non seulement les 12 jurés de Kingston, mais l'ensemble des citoyens du pays?

Parfois, les morts parlent, en effet.

C'est aussi le cas d'une adolescente de 15 ans de la Gaspésie, Marjorie Raymond, dont le suicide a révélé un monde de cruauté et de laisser-faire dans les milieux scolaires. Ce drame a déclenché une intense réflexion sur l'«innocence» de l'enfance et la débâcle programmée de la discipline.

Or, la jeune Marjorie n'est pas la seule victime de telles circonstances. Depuis un an, au moins trois autres adolescents canadiens, dont un gai et un handicapé, se sont enlevés la vie pour des motifs semblables. En France, c'est une enseignante de 44 ans qui s'est immolée par le feu dans la cour de récréation d'un lycée de Béziers, provoquant une prise de conscience nationale de la «souffrance au travail» chez les professeurs...

La colonne des faits divers, on le voit bien, c'est la vraie téléréalité de nos sociétés.