D'une façon ou d'une autre, il faudra bien que ça finisse un jour. La question est de savoir comment. Dans les villes où le mouvement Occupy Wall Street a engendré l'occupation de parcs et de places publiques, diverses approches sont tentées ou envisagées devant une situation qui perdure.

Aux États-Unis, les autorités d'Oakland et d'Atlanta ont décidé d'utiliser la manière forte: plus de 125 personnes ont été arrêtées.

Au Canada, chaque ville occupée est un cas d'espèce. À Toronto, le maire Rob Ford demeure étonnamment calme! Et à Montréal, on ne voit venir aucune intervention des autorités alors que l'agenda des occupants du square Victoria pour les jours qui viennent est extrêmement chargé: assemblée générale, marche, ateliers, etc.

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Pourtant, chacun sait bien que le statu quo est intenable.

Il y a à cela une raison de nature presque philosophique: ne peut être déclarée, en effet, une victoire des indignés au lendemain de laquelle les combattants rentreraient chez eux. Le capitalisme ne s'écroulera pas d'ici aux Fêtes. La société ne deviendra pas plus égalitaire dans l'attente de la prochaine pleine lune. La démocratie dite participative ne remplacera pas la démocratie formelle avant les prochaines élections. Bref, il ne peut exister de moment unique où, à midi 12 ou quinze heures 20, les problèmes du système seraient officiellement déclarés réglés.

En fait, ce qui ressemble le plus à une victoire est déjà acquis. Un vaste mouvement de sympathie de la part de la population, des médias et des élites (y compris certaines issues du monde de la finance!) a en effet sculpté un monument indestructible à la gloire du mouvement. Celui-ci laisse un héritage.

À partir de maintenant, tout ne peut que se dégrader.

Du point de vue éthique, d'abord. Le mouvement est en train de devenir une «marque» dont se réclament des... auto-franchisés dont il n'est pas sûr que les occupants du square Victoria soient follement amoureux. Le Vatican, par exemple, qui en profite pour bénir les indignés et dénoncer l'«idolâtrie du marché». Ou la Société Saint-Jean-Baptiste, qui manifestera, samedi, sous le thème: «Occupons Montréal, marchons pour le Québec!».

Va-t-on attendre que des publicités (d'équipement de camping?) récupèrent à leur tour l'événement?

Ensuite, il serait absolument navrant que tout ça se termine par un épisode violent. Dispersion par la force, affrontement, vitrines brisées, brutalité policière, dénonciation de ladite brutalité, demande d'enquête publique.... la routine habituelle, en somme.

Il faut à tout prix éviter ça.

Un retrait progressif, serein et discret, occupant par occupant, tente par tente, serait maintenant la conclusion la plus digne à donner à l'odyssée des indignés.