En 1952, le premier régime gouvernemental d'aide aux retraités était mis en place; Ce programme fédéral, dit de la sécurité de la vieillesse, versait des allocations modiques aux 70 ans et plus. Pas de chance, le citoyen moyen n'atteignait pas cet âge : l'espérance de vie des Canadiens était en effet de 66 ans (cinq de plus pour les Canadiennes).

« Partir à la retraite », comme on dit, consistait donc à partir littéralement pour un monde meilleur...

Tout a changé, bien sûr.

Et, en cette matière, c'est la publicité qui aura provoqué la plus importante mutation de société. Le slogan « Liberté 55 », inventé dans les années 80 par les mad men de la London Life, a vendu aux baby-boomers le rêve ultime. Celui d'une existence où le travail ne serait plus qu'un bref intermède entre la trépidante vie d'étudiant et la dolce vita de ce qu'on s'est mis à appeler le bel âge!

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Non mais... quelle utopie! Nous déchantons aujourd'hui.

D'une part, on ne meurt plus à 66 ou 71 ans, mais à 79 ou 83. D'autre part, les études se prolongent souvent au-delà de 25 ans. Résultat: au point de vue économique, la retraite à 55 ans n'a plus aucun sens... ce qui est d'autant moins supportable que, même disparue, l'ancienne publicité continue à nourrir les fantasmes.

En Europe, une révision à la hausse de l'âge de la retraite (à 62 ans en France ou à 63 en Grèce, par exemple) a déclenché des émeutes.

Au Québec, on cesse encore de travailler entre 59 et 60 ans, mais ça ne durera pas. La pression monte - venant de l'État et de la réalité économique elle-même - pour que les travailleurs demeurent en poste au moins cinq ans de plus. D'ailleurs, les 25 à 44 ans s'ajustent déjà, 55% d'entre eux se résignant à devoir bosser jusqu'à 65 ans.

Car ça coûte cher, la retraite. Surtout que les images de voiliers et de palmiers des pubs de la London Life se sont incrustées...

On se rend rarement compte à quel point la société québécoise s'est enrichie et embourgeoisée depuis 50 ans. De sorte que le citoyen moyen de la classe moyenne exige aujourd'hui de finir sa vie dans un confort plus que moyen - proche, en fait, de ce qu'on appelait jadis l'opulence. « Oh, pour leurs vieux jours, ils ne prévoient rien de compliqué. Des balades aux États-Unis, un ou deux voyages par année en routard en Europe et en Afrique... » dit La Presse d'un couple dans la cinquantaine, tout simple, qui décrit ainsi ses modestes projets de retraite.

Pourquoi pas? Il faudra juste bosser un peu plus longtemps.