Dans la petite minorité de pays qui sont démocratiques, sécularisés et respectueux des libertés, on multiplie les expériences pour composer avec la spectaculaire résurgence du fait religieux. Et, surtout, composer avec les demandes de traitements d'exception qui se multiplient en vertu de diktats fondamentalistes.

Dans la petite minorité de pays qui sont démocratiques, sécularisés et respectueux des libertés, on multiplie les expériences pour composer avec la spectaculaire résurgence du fait religieux. Et, surtout, composer avec les demandes de traitements d'exception qui se multiplient en vertu de diktats fondamentalistes.

Or, aucun de ces pays n'y est encore parvenu de façon satisfaisante.

C'est dans ce contexte global que s'inscrivent les consultations en commission parlementaire sur le projet de loi 94, destiné à encadrer les accommodements religieux au Québec.

Ces audiences se sont largement déroulées comme on craignait qu'elles se déroulent. Ponctuées d'insultes, «islamophobie», «racisme», «chauvinisme», «sexisme», dirigées contre ceux qui souhaitent baliser ces dérogations. Ponctuées aussi d'aveux d'impuissance, puisque les chartes ligotent les élus. Ponctuées enfin de jugements assassins, exprimés de part et d'autre, sur le projet de loi; la ministre de la Justice, Kathleen Weil, estime pour sa part se situer «au centre».

Essentiellement, son projet de loi interdit, sous réserve d'accommodements toujours possibles, le port d'un masque dans les interactions entre les représentants de l'État et les citoyens. Jeudi, le gouvernement a suspendu les audiences de la commission jusqu'en août, geste surprise qui peut laisser présager m'importe quoi, y compris le «tablettage» du document.

La question se pose donc: que faire si le projet de loi 94 ne satisfait pas?

Démarrer une autre ronde de débats publics et noircir un livre blanc? Les ingénieurs des mots (avec un peu de chance, on aura droit aux mêmes qui ont bricolé la doctrine Bouchard-Taylor!) en raffoleront. Mais il est douteux qu'apparaisse ainsi quoi que ce soit de neuf. Adopter une charte de la laïcité? L'idée est séduisante, vastement appuyée, et mérite d'être considérée. Mais, dans les faits, le processus serait inextricable et le résultat, hautement incertain.

Entre-temps, les dieux gagnent rapidement du terrain, en particulier ceux qui aiment davantage l'intégrisme que la tolérance (voir le blogue de l'édito sur Cyberpresse).

Il y a 20 ans, aucune musulmane ne se serait brouillée avec la société québécoise tout entière, prenant les médias à témoin, dans le seul but de s'ensevelir vivante sous un niqab. On n'aurait pas accepté d'armes blanches à l'école ou givré par pudibonderie imposée des vitres de gymnase. Et un prélat catholique n'aurait jamais osé condamner publiquement les femmes violées à l'enfantement forcé.

Alors, de deux choses l'une. Ou bien l'histoire va clairement dans une direction, dangereuse, et pas dans une autre. Ou bien il ne s'agit que de la multiplication fortuite de cas bénins - coquetterie vestimentaire et divagation inoffensive, n'est-ce pas? - qui ne justifient aucune vigilance. Le noeud du problème, c'est que nous n'avons pas encore décidé quelle hypothèse est la bonne.

Avec le recul, il est clair que nous avons sauté une étape: celle consistant à vider cette question.

LE BLOGUE DE L'ÉDITO

L'«embondieusement» de la planète, à lire sur cyberpresse.ca/place-publique