Voyant le branle-bas médiatique autour du bambin de 6 ans «kidnappé» par un ballon gonflé à l'hélium, un militant américain pour la protection de l'enfance a évoqué le sort des jumelles Dionne. Lesquelles, on le sait, ont jadis été jetées en pâture au public (on dit aujourd'hui: aux médias). Or, la comparaison est boiteuse. Car l'histoire du petit Falcon Heene est beaucoup plus délirante que celle des quintuplées canadiennes!

Tout le monde la connaît. C'est l'histoire de ce garçonnet du Colorado qui, en fait, est resté bien sagement sur terre: avec ses deux frères de 8 et 10 ans, il aurait été enrôlé dans ce qu'on pourrait appeler une arnaque à la célébrité.

 

Les deux parents seront soumis à la justice criminelle. Et on peut déjà juger que les médias, quant à eux, ne sont qu'à demi coupables.

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Sous l'angle de l'information, l'histoire telle que présentée à l'origine aux médias était en effet digne d'intérêt. Les chaînes d'info continue ont de fait amassé un auditoire considérable (près de cinq millions de téléspectateurs en après-midi pour CNN, Fox News et MSNBC). Et très tôt, la possibilité d'un coup monté a été évoquée, notamment à CNN.

Ce n'est donc pas au voyeurisme extrême de la télévision que le petit Falcon a surtout été soumis. Mais bien, si les accusations s'avèrent fondées, à la «parentalité extrême» de deux adultes, Richard et Mayumi Heene.

Cependant, les médias ne sont-ils pas coupables d'avoir inventé cette culture de l'artifice où, comme on le dit par exemple de Paris Hilton, quelqu'un peut être «célèbre en raison de sa célébrité»?

Ainsi, davantage que tout autre chose, le phénomène de la téléréalité a rendu désirables - et surtout atteignables - les 15 minutes de gloire promises à chacun par Andy Warhol. C'est extraordinairement futile, mais c'est ainsi. Personne n'est donc étonné d'apprendre que le but du couple Heene, lorsqu'il a présumément élaboré ce scénario, était de se bâtir une carrière dans l'industrie de la téléréalité qu'il connaissait pour y avoir déjà fait de la figuration.

Cependant, il n'existe pas de telles choses qu'une «tyrannie» de la télé ou qu'une célébrité obligée.

Le cas échéant, les Heene ont de leur propre chef choisi l'artifice et la futilité. Ils sont sciemment partis en quête de leurs 15 minutes de gloire... et du fric qui, normalement, vient avec. Ils ont volontiers opté pour un «show» (le mot a échappé, en toute innocence, au petit Falcon!) fondé sur la valeur télé-marchande de leurs enfants.

En somme, si la chose s'avère, ils ont mis au point une autre façon - moderne, ingénieuse et infiniment triste - de vendre des enfants.