Au cours des 15 prochaines années, une nouvelle vague de prolifération nucléaire «potentiellement plus dangereuse que la guerre froide» est envisageable. L'assertion est faite dans un rapport du Conseil national du renseignement des États-Unis, rendu disponible en français par Alexandre Adler sous le titre: Le Nouveau Rapport de la CIA / Comment sera le monde en 2025.

Si les prédictions sont toujours risquées (surtout lorsqu'elles concernent l'avenir...), la possibilité de voir plusieurs pays se donner bientôt l'arme atomique est déjà largement redoutée. Le renseignement américain considère que, non seulement le Moyen-Orient, mais aussi l'Asie pourraient entrer dans cette course.

Il s'agirait d'une nouvelle géométrie de l'«effet domino» qui a fait les beaux jours de la guerre froide, justement. Mais, cette fois, l'affaiblissement relatif de la puissance militaire de Washington, que le Rapport de la CIA prévoit aussi, rendrait la situation globalement plus périlleuse.

Au moment où la Corée du Nord teste ses lanceurs à longue portée après avoir fait exploser une première bombe, cette projection dans l'avenir apparaît donc sérieuse.

Surtout que, comme on le voit bien avec Téhéran ou Pyongyang, la communauté internationale dispose de peu de moyens pour convaincre une nation de renoncer à cet armement.

En fait, le lancement (plus ou moins raté, mais là n'est pas la question) d'une fusée Taepodong-2 par le régime nord-coréen, dimanche, aura été une sorte de fin des illusions - une première! - pour Barack Obama. Car, bien entendu, le Conseil de sécurité de l'ONU a été incapable de s'entendre sur une réplique à donner à ce geste. Un geste qui, en outre, est ironiquement survenu au moment où le président américain plaide pour une réduction des stocks d'armement nucléaire; et où son secrétaire à la Défense, Robert Gates, annonce d'importantes coupes dans les dépenses militaires.

Et on sait d'autre part que les centrifugeuses iraniennes tournent toujours à plein régime...

Que faire alors?

Le Rapport de la CIA fait surtout reposer une éventuelle dissuasion sur «le désir (d'une nation candidate à l'atome) d'éviter un isolement politique et de chercher à mieux s'intégrer dans l'économie mondiale». Téhéran pourrait à moyen terme être sensible à cet argument, peut-on croire. Dans le cas de la Corée du Nord, on sait déjà comment Kim Jong- il utilise les démonstrations de puissance comme levier de chantage pour obtenir, justement, de l'aide économique.

En outre, dans le cas précis de ce régime à bout de souffle, le renseignement américain présente une autre hypothèse. La réunification des deux Corée «sous la forme d'une confédération Nord-Sud, sinon d'un État unique» pourrait ainsi mener à la disparition de la menace nucléaire dans cette région - ne serait-ce que par l'effet d'un spectaculaire appel de capitaux pour la reconstruction du Nord.

C'est l'hypothèse rose, bien sûr. D'autant plus qu'elle suppose que l'économie fondée sur les échanges mondiaux aurait retrouvé sa santé et son pouvoir de séduction...