Comme la nature, la politique a horreur du vide. Or, aux États-Unis, après les désastreuses années Bush et la campagne intellectuellement peu stimulante de John McCain ponctuée par l'irruption d'une hilarante Sarah Palin, il existe une telle chose qu'un «vide républicain». David Frum, l'une des voix les plus respectées du Grand Old Party et qui a travaillé avec Reagan, Bush fils et Giuliani, dit: «Notre parti semble aspirer à gouverner un pays qui n'existe plus.» (dans Newsweek)

Le vide, donc. De sorte que s'y engouffre un personnage que l'on croirait sorti d'une bande dessinée; un tribun populiste; une richissime vedette de la radio parlée (il empoche 50 millions$US par année pour attirer 20 millions d'auditeurs); un homme dont on ne peut même pas dire qu'il est de droite puisqu'il se situe en fait à l'extérieur du spectre politique.

 

Il s'agit de Rush Limbaugh, bien sûr.

Limbaugh s'est installé dans le rôle de la mouche du coche du Parti républicain. Et rien ne dit qu'il ne sera pas un jour candidat à sa direction - autour de lui, on bâtit déjà une campagne à cet effet.

Évidemment, depuis l'élection de Barack Obama, en novembre, il est déchaîné. Le nouveau président n'était pas encore entré à la Maison-Blanche que l'homme de radio de 58 ans disait espérer - espérer! - que le nouveau président échouerait... non sans avoir fait allusion à la couleur de sa peau. Dans ses trois heures quotidiennes au micro, il reprend toutes les vieilles scies de l'ultra-conservatisme, en utilisant un ton et un langage qui sèment littéralement la terreur.

Et, de fait, les républicains ont peur de lui: ils s'excusent platement lorsque Limbaugh se plaint qu'ils l'ont offensé. Et peur de l'étiquette qu'il colle au parti, celle d'une formation politique antédiluvienne atteinte de rigidité cadavérique: le conservatisme est «immuable», professe volontiers Rush Limbaugh.

Bref, le tort que cet homme fait au Parti républicain est gigantesque... tout comme la joie qu'il sème chez les démocrates! À ce point de vue, Limbaugh constitue l'équivalent américain de nos vociférateurs indépendantistes (besoin de noms?) qui ne font que saboter la cause souverainiste. Ou des absolutistes de la gauche hors cadre qui cherchent apparemment à dégoûter tous et chacun de l'idée même de progrès...

Où cela va-t-il mener Limbaugh? Mais surtout: où cela va-t-il mener le Parti républicain?

Celui-ci, on l'a dit, est mal en point. Il a perdu la présidence en 2008 après l'avoir arrachée de justesse en 2004; en 2006 et 2008, il a perdu 51 représentants et 14 sénateurs au Congrès. Surtout, il se montre précisément incapable de renouveler le corpus conservateur auquel, dans le passé, il a parfois apporté intelligence et invention.

Chose sûre, il y a une urgence: celle, pour les républicains, de courir à toutes jambes le plus loin possible de Rush Limbaugh.

mroy@lapresse.ca