Pour chacun, le pouvoir consiste en ce qui est hors d'atteinte, mais qui contrôle plus ou moins l'existence de tous. C'est le «ils» des phrases comme: «Ils vont augmenter le prix de l'essence». Ou: «Il paraît qu'ils vont baisser les impôts». Or, en quoi le pouvoir consiste-t-il vraiment? En un gouvernement mondial discret, mais totalitaire (chouchou de l'extrême droite)? En un aréopage de grands financiers tirant toutes les ficelles (dada de l'extrême gauche)? En une meute d'êtres reptiliens venus de la troisième galaxie à gauche en sortant de la Voie lactée (marotte des extrêmes flyés)?...

Sérieusement, les gens ont en général une assez juste idée de l'identité des puissants.

Cela dit avec deux réserves.

Un: on se trompe probablement lorsqu'on croit que le pouvoir politique cède de plus en plus le terrain à la puissance de l'économie. Et deux: on erre carrément en supposant que l'Occident en général, et l'Amérique en particulier, demeure le maître du monde.

 

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Dans la liste des personnalités les plus puissantes de la planète que vient de dresser le magazine Newsweek, 21 des 25 premiers noms sont associés à la politique et seulement deux à la finance.

Barack Obama vient en tête, suivi par une brochette de chefs d'État des grandes (ou inquiétantes) nations, Chine, France, Grande-Bretagne, Allemagne, Russie, Iran, Corée-du-Nord, Brésil, Irak. Quelques-uns sont à cheval sur deux mondes, tels Abdullah bin Abdul Aziz Al Saud et Khalifa bin Zayed Al Nahyan, ces souverains arabes dont le pouvoir personnel est à la fois politique et économique. Des non-élus comme le couple Clinton ou le couple Gates n'en ont pas moins une influence réelle considérable.

Outre la prédominance du politique, donc, une autre chose est frappante: c'est la montée fulgurante des pouvoirs non occidentaux.

Tout de suite après Obama, vient le président chinois Hu Jintao, à la tête d'une nation qui, par décision politique, s'est réinventée pour devenir en deux décennies un géant économique. C'est au Pakistan qu'on trouve le général Ashfaq Parvez Kayani, ce chef des armées qui tient entre ses mains le sort (crucial) du territoire frontalier avec l'Afghanistan... et la bombe pakistanaise. Le pouvoir que détient le Russe Vladimir Poutine est, c'est le cas de le dire, iconique. L'influence du Brésilien Luiz Inacio Lula da Silva se fait sentir sur tout le sous-continent.

Dans The Post-American World (Le monde post-américain, non traduit en français), le journaliste et essayiste d'origine indienne Fareed Zakaria documente abondamment ce déplacement vers l'Est et le Sud des centres de décision.

La montée en puissance du... ROW (rest of the world), estime-t-il, est le troisième événement planétaire en importance à survenir en 500 ans, après l'ascension de l'Occident entre le XVe et le XVIIIe siècle; puis celle de l'hyperpuissance américaine à partir du XIXe.

En somme, le ROW est aujourd'hui ce «nouveau monde» qu'il nous faut découvrir.