Tout indique que le prochain budget fédéral, déposé le 21 avril, concrétisera un engagement électoral pris il y a quatre ans: la contribution maximale à un compte d'épargne libre d'impôt (CELI) sera doublée, de 5500$ à 11 000$ par année.

Voilà une promesse fiscale comme les aiment les stratèges conservateurs: facile à comprendre, difficile à combattre. S'agit-il d'une politique juste? Combien cela coûtera-t-il à long terme? Pour le Parti conservateur de Stephen Harper, les réponses à ces questions importent peu. Ce qui compte, c'est que ça marche.

Mis en place en 2009, le CELI a vite séduit les Canadiens, notamment parce qu'il offre davantage de flexibilité que les REER. Aujourd'hui, plus de 10 millions de personnes détiennent un tel compte. Ils y ont investi 33 milliards.

Selon le gouvernement, doubler le plafond de la contribution annuelle «permettra aux Canadiens de conserver davantage de l'argent qu'ils ont durement gagné et de l'investir selon leurs propres priorités». Réduire le fardeau fiscal des contribuables est évidemment un objectif louable. Augmenter la contribution au CELI est-il la façon la plus sage d'y arriver? Non.

Les conservateurs ont raison de dire que tous les Canadiens, peu importe leur niveau de revenu, profitent des CELI: 82% des titulaires ont un revenu total inférieur à 80 000$. Même chez les personnes gagnant moins de 20 000$, une sur cinq détient un CELI. Cependant, les contribuables à revenus faibles et moyens sont moins nombreux à atteindre le plafond annuel autorisé. Ainsi, pour la grande majorité des Canadiens, le niveau actuel du plafond suffit amplement.

Selon les analyses du Directeur parlementaire du budget et de l'économiste Rhys Kesselman, de l'Institut Broadbent, la hausse de la contribution maximale profitera surtout aux personnes gagnant des revenus élevés et à celles qui ont accumulé un patrimoine financier appréciable. Il est facile de comprendre pourquoi. Pour épargner 11 000$ par année, année après année, il faut gagner beaucoup. De plus, doubler le plafond permettra aux personnes disposant d'actifs importants d'en transférer une plus grande part dans leur CELI.

Cela dit, pour les travailleurs âgés et les retraités, en période de taux d'intérêt très bas, l'augmentation de la contribution maximale au CELI pourrait être utile. On sait aussi que, depuis deux décennies, les Canadiens épargnent très peu. La hausse du plafond pourrait les encourager à mettre plus de sous de côté.

S'il va de l'avant, le ministre des Finances devrait au moins réduire les effets inéquitables de cette mesure en modifiant les paramètres du CELI. Par exemple, il devrait y avoir une limite à l'accumulation des contributions. Il faudrait aussi corriger un défaut dans les règles d'origine, défaut qui permet à des contribuables jouissant d'un patrimoine important d'avoir droit à la Sécurité de la vieillesse et au Supplément de revenu garanti.