Le mouvement d'opposition au projet Énergie Est prend de l'ampleur. Plusieurs municipalités dont le territoire serait traversé par le nouvel oléoduc ont manifesté leur inquiétude, voire leur hostilité.

Cette opposition a comme source principale la crainte d'un déversement d'importantes quantités de pétrole dans l'environnement. Cette crainte est légitime et doit être exprimée fermement et intelligemment devant l'Office national de l'énergie, de sorte que celui-ci impose au promoteur les normes de construction et d'exploitation les plus exigeantes. Toutefois, il ne faudrait pas commettre l'erreur de croire que tout risque sera écarté si le pipeline n'est pas bâti. En fait, le risque pourrait être plus grand.

Tant que les Québécois consommeront des produits pétroliers, et tant que les deux raffineries du Québec et celle de Saint-Jean (Nouveau-Brunswick) seront en activité, du pétrole brut circulera sur le territoire québécois. Si le projet de la société TransCanada ne voit pas le jour, ce brut sera transporté par train. Est-ce vraiment ce que nous souhaitons?

Depuis le début de l'année, quatre convois ferroviaires transportant du pétrole brut ont déraillé aux États-Unis et au Canada, provoquant d'importants incendies. Heureusement, les incidents se sont produits dans des régions peu peuplées. Dans les quatre cas, les trains étaient composés de wagons-citernes DOT-111 renforcés. Or, selon l'évaluation préliminaire du Bureau de la sécurité des transports du Canada, ces wagons n'ont pas mieux résisté au choc que ceux impliqués dans la tragédie de Lac-Mégantic.

Le BST presse les gouvernements canadien et américain d'imposer rapidement des normes beaucoup plus strictes pour tous les wagons-citernes, pas seulement pour ceux devant être fabriqués à l'avenir. Ottawa et Washington y travaillent, mais il faudra probablement plusieurs années avant que l'ensemble de la flotte satisfasse à ces exigences.

La construction d'Énergie Est n'éliminerait pas le transport de pétrole par train. Ce mode de transport comporte en effet des avantages, en particulier la flexibilité. Néanmoins, il est certain que si des centaines de milliers de barils par jour peuvent être amenés aux raffineries de l'est du pays par oléoduc, les producteurs auront moins recours au rail.

De plus, les risques des deux modes de transport sont de nature différente. Les déraillements de train libèrent de moindres quantités de pétrole, mais peuvent provoquer des incendies majeurs, aux conséquences potentiellement dramatiques. Un bris d'oléoduc peut entraîner, dans les pires cas, le déversement de milliers de barils d'or noir. Les vies humaines ne sont pas menacées, mais l'environnement, si.

Dans une société industrialisée, le transport de produits dangereux est une réalité inéluctable. En cette matière, le risque zéro n'existe pas. Les autorités et les entreprises concernées doivent tout faire pour réduire les dangers. En ce qui a trait au transport de grandes quantités de pétrole brut, l'oléoduc apparaît comme un moyen bien plus sûr que le train.