Le bras de fer entre le gouvernement espagnol et la Catalogne s'intensifie. Samedi dernier, le président catalan, Artur Mas, a signé un décret convoquant la population de la région à un référendum sur l'indépendance, le 9 novembre. Lundi, Madrid a demandé au Tribunal constitutionnel de déclarer ce référendum illégal. La cour a ordonné la suspension du processus référendaire d'ici à ce qu'elle rende son verdict.

Il est évidemment légitime pour la majorité des Espagnols hors Catalogne de s'opposer à la sécession de cette région, la plus riche du pays. Vu du Canada toutefois, il est difficile de concevoir que Madrid cherche à empêcher les Catalans de s'exprimer sur la question.

Le premier ministre, Mariano Rajoy, invoque la Constitution du pays. Celle-ci affirme en effet « l'unité indissoluble de la Nation espagnole, patrie commune et indivisible de tous les Espagnols. » Toute démarche sécessionniste serait donc inconstitutionnelle. Cependant, en démocratie, il n'y a pas que la règle de droit. « Un système de gouvernement ne peut survivre par le seul respect du droit. Un système politique doit aussi avoir une légitimité, ce qui exige (...) une interaction de la primauté du droit et du principe démocratique », a rappelé notre Cour suprême dans son avis sur la sécession du Québec.

Il est probable que le Tribunal constitutionnel se rende aux arguments du gouvernement Rajoy. Déjà, en 2010, le Tribunal avait invalidé plusieurs articles du Statut d'autonomie pour la Catalogne négocié quatre ans plus tôt. Les juges avaient notamment rappelé qu'en vertu de la Constitution, une communauté autonome ne peut tenir de consultation populaire qu'avec la bénédiction du gouvernement central.

Madrid compte donc sur les tribunaux pour freiner les aspirations autonomistes des Catalans. La stratégie aura probablement l'effet contraire ; le jugement de 2010 a d'ailleurs alimenté la flamme indépendantiste.

Tel que l'a fait remarquer un militant nationaliste, « il ne s'agit pas d'un problème juridique, mais d'un problème politique ». Il a fallu quatre décennies aux Espagnols pour s'extirper de la dictature franquiste et faire de leur pays « un État de droit social et démocratique » (article 1 de la Constitution). Comment peuvent-ils aujourd'hui, en toute conscience, interdire à l'une des nationalités constituantes de cet État de s'exprimer sur son statut politique ?

En s'en remettant aux cours plutôt qu'aux négociations, le Parti populaire de Mariano Rajoy fait aveu de faiblesse. Madrid sait bien que si, un jour, la population catalane s'exprime clairement en faveur de l'indépendance, le reste de l'Espagne ne pourra l'ignorer. Or, quoi qu'en dise le Tribunal constitutionnel, tôt ou tard, ce jour viendra.