«Les mensonges sur les changements climatiques révélés», claironnait cette semaine un chroniqueur australien. Andrew Bolt faisait état d'une étude selon laquelle les manchots Adélie, qu'on disait particulièrement menacés par le réchauffement du climat en Antarctique, sont beaucoup plus nombreux que ne le pensaient les spécialistes.

Pourtant, fin juin, un autre article scientifique confirmait les pires craintes des écologistes, relatives celles-là au manchot empereur. Selon les auteurs de cette recherche, la population d'empereurs chutera de 19% d'ici 2100, à cause des changements climatiques.

Les prédicateurs et les sceptiques trouveront toujours des données pour appuyer leur thèse. Les premiers «croient» aux changements climatiques, comme s'il s'agissait d'une question de foi plutôt que de science. Les seconds ferment les yeux sur la montagne de recherches indiquant que l'activité humaine perturbe bel et bien le climat, préférant s'accrocher aux quelques travaux laissant penser le contraire. Or, comme il s'agit d'étudier des phénomènes extrêmement complexes, la sagesse commande d'être prudent dans la diffusion et l'interprétation de la science. Le cas des manchots de l'Antarctique est révélateur à cet égard.

Il existe 45 colonies de manchots empereurs en Antarctique. Une seule de ces colonies a été étudiée de près sur une longue période. En raison de leur éloignement et des conditions climatiques extrêmes, «la plupart des colonies n'ont jamais été, et ne seront probablement jamais visitées par des humains», soulignent des spécialistes. Pour projeter ce qui risque d'arriver à ces colonies, il faut extrapoler à partir de ce qu'on sait de l'évolution du seul groupe bien connu.

Pourtant, il est probable que les colonies ne se comportent pas toutes de la même façon. Une analyse de photos prises par satellite indique qu'il y a en Antarctique 100 000 couples de manchots empereurs de plus que les précédentes estimations. On y apprend aussi que les empereurs ne reviennent pas toujours au même endroit pour s'accoupler. Des milliers de manchots que l'on pensait disparus se seraient tout simplement déplacés. «Les empereurs ont la capacité de changer de site de reproduction si leur environnement se modifie, ce qui veut dire qu'ils peuvent mieux s'adapter aux changements climatiques qu'on le pensait», a expliqué Peter Fretwell, de la British Antarctic Survey.

Les scientifiques ont constaté une baisse de la population de certaines colonies de manchots Adélie, sans doute causée par la moindre disponibilité du krill dont ils se nourrissent. Cependant, les images satellitaires montrent que cette baisse est compensée par une augmentation du nombre de manchots dans des groupements jusqu'ici moins connus ou inconnus. Cela serait dû au fait que les changements climatiques ont des effets différents selon la région du continent, faisant augmenter ou diminuer l'étendue de la banquise sur laquelle vivent les manchots Adélie.

On le voit, en matière de changements climatiques comme dans bien d'autres domaines, la marche de la science est longue et jonchée d'incertitudes. Ce qui ne doit toutefois pas servir de prétexte à l'inaction.