Tout a commencé il y a deux ans, presque jour pour jour, lorsque le ministre fédéral des Transports, Denis Lebel, a annoncé la construction d'un nouveau pont Champlain. Il avait alors décidé de ne pas inviter son homologue provincial, le libéral Pierre Moreau, à la conférence de presse. «Québec n'est pas là parce que c'est une infrastructure à 100 pour cent fédérale», a lancé M. Lebel.

Pourtant, étant donné le rôle central du gouvernement provincial dans la gestion du réseau autoroutier et du transport collectif dans la région, Ottawa aurait dû l'associer dès le départ à cet important projet.

Depuis, les gouvernements Harper et Marois se tiraillent au sujet du futur pont. Sachant que l'état de l'infrastructure se détériore rapidement, que la construction d'un nouvel ouvrage est donc urgente et que les travaux coûteront des milliards, ils font preuve d'une grave irresponsabilité.

Les fonctionnaires des deux gouvernements ont beau multiplier les rencontres, le signal politique qu'ils reçoivent en est un de confrontation. La faute initiale de cette situation revient au ministre fédéral. Denis Lebel a beau dénoncer aujourd'hui la «gouvernance souverainiste», comme on l'a vu, il avait entrepris sa chevauchée solitaire alors que les libéraux de Jean Charest étaient au pouvoir.

Le gouvernement du Québec, pour sa part, n'a cessé de mettre de l'huile sur le feu. D'abord, en exigeant que le gouvernement fédéral fasse une croix sur le péage et paie de ses coffres les coûts de construction du nouveau pont. De quoi la province se mêle-t-elle? Ce n'est pas à la province de dicter à Ottawa comment gérer les fonds fédéraux.

Si le fédéral veut financer le projet en tout ou en partie avec un péage, qu'il le fasse. Cependant, il doit s'assurer que le système mis en place ne provoquera pas le chaos sur le réseau régional. Pour ce faire, il doit travailler étroitement avec les instances provinciales et municipales.

Par ailleurs, quand Sylvain Gaudreault, ministre québécois des Transports, publie la correspondance qu'il envoie à son homologue, il ne contribue pas à assainir le climat. Quand il exige que le fédéral paie tout, mais que Québec décide de la configuration de l'ouvrage et du mode de transport collectif qui y circulera, il attise une bataille politique néfaste.

La création d'une table de travail commune, annoncée à l'issue d'une rencontre entre Pauline Marois et Stephen Harper en février dernier, n'a pas amélioré les relations entre leurs deux ministres. Cependant, la récréation politicailleuse a assez duré. L'importance de l'enjeu exige que MM. Lebel et Gaudreault entreprennent immédiatement - et de bonne foi, est-ce trop demander? - des discussions sur tous les aspects du projet. Si les deux hommes ne changent pas d'attitude, ils porteront l'odieux de tout retard dans le projet et de tout incident malheureux qui pourraient survenir.