Des Autochtones de plusieurs régions du pays poursuivent leurs manifestations visant à faire pression sur le gouvernement Harper. Mercredi, la circulation a été perturbée sur le pont Ambassador, entre Windsor et Détroit. Des voies ferrées et des routes ont été temporairement bloquées.

Compte tenu des conditions de vie très difficiles dans plusieurs communautés, de la lenteur des pourparlers et de l'attitude du gouvernement dans certains dossiers, la frustration des Autochtones est compréhensible. Néanmoins, comme ont commencé à le dire certains chefs, les militants doivent faire preuve de prudence. Ces moyens de pression seront utiles tant qu'ils leur permettront de sensibiliser les autres Canadiens et de gagner leur appui. Ils nuiront à la cause s'ils perturbent la vie des citoyens et provoquent leur antipathie.

De plus, malgré leur impatience, les membres des Premières Nations doivent faire preuve de réalisme. Les questions qu'ils soulèvent sont d'une grande complexité et ne pourront être réglées rapidement, même avec la meilleure volonté du monde. On pense notamment à la concrétisation des traités conclus entre les Premières Nations et la Couronne et au partage des revenus découlant de l'exploitation des ressources naturelles (une question de compétence provinciale).

Il est vrai que les conservateurs ont parfois semblé indifférents à l'égard des problèmes des a Autochtones. Il reste qu'au cours de la dernière année, le premier ministre Stephen Harper a participé à deux longues séances de discussion avec les chefs des Premières Nations; on ne connaît pas d'autre groupe ayant eu droit à une attention aussi soutenue de la part de M. Harper.

Hier, le chef de l'Opposition officielle, Thomas Mulcair, a invité le premier ministre à s'inspirer de l'approche québécoise concrétisée par la Paix des Braves conclue avec les Cris en 2002. Le principal architecte de cette entente, l'ancien premier ministre du Québec Bernard Landry, avait fait la même suggestion la semaine dernière. Certes, la Paix des Braves constitue un exemple en matière de relations entre Autochtones et l'État. Toutefois, il faut admettre que le gouvernement canadien fait face à une situation beaucoup plus complexe, devant négocier avec les représentants de plus de 600 communautés dont les circonstances sont fort variées.

L'exemple québécois est néanmoins pertinent. Ce n'est pas par grandeur d'âme que Québec en est venu à rechercher l'accord des Cris; il a fallu que ces derniers bloquent le projet Grande-Baleine. La Paix des Braves est venue une décennie plus tard.

Comme l'a souligné M. Mulcair, le gouvernement conservateur, fervent partisan de l'exploitation des ressources naturelles, a tout intérêt à négocier sérieusement avec les Premières Nations. Sinon, il risque de frapper son propre Grande-Baleine.