Devancé par le grand favori, le film iranien Une séparationMonsieur Lazhar n'a pas remporté l'Oscar du meilleur film en langue étrangère. Cela n'enlève rien aux mérites de ce très beau film de Philippe Falardeau. Le fait qu'il ait été retenu parmi les cinq finalistes montre qu'il a ému les membres de l'Académie, tout comme il avait ému le jury et le public des festivals de Toronto, Locarno et Namur. Et, surtout, Monsieur Lazhar a laissé un souvenir indélébile dans le coeur des Québécois.

Pourquoi? Parce que peu de gens marquent autant les enfants et les adultes qu'ils deviendront que ceux qui leur enseignent. Parce que tous, nous avons eu ou rêvé d'avoir devant notre classe un professeur tel Bachir Lazhar, érudit, exigeant, juste et bon.

Qui, dans cette école inventée par Philippe Falardeau, n'a pas reconnu la sienne? Les enfants - le souffre-douleur, le tourmenté, la bollée. Leur humour, leurs peines: «On ne peut pas mettre Martine Lachance en retenue parce qu'elle est morte.» Leur cruauté, parfois. Leur souffrance: «C'est pas de ma faute, ce qui est arrivé, hein?»

Et puis nous sommes nombreux à penser que l'école d'aujourd'hui a fait trop de compromis, dans l'espoir de rendre l'apprentissage plus agréable, pour se rapprocher du «vécu» des enfants. Qui enseigne encore Balzac? En 6e année, évidemment personne. Mais au secondaire? Au cégep?

L'école d'aujourd'hui veut protéger les enfants contre les coups durs de la vie, la compétition par exemple. Elle veut aussi SE protéger. Interdit de toucher aux enfants, qu'il s'agisse d'une tape ou d'une accolade. C'est la Loi. Pas de jeu «violent» («un peu rude», selon monsieur Lazhar). Surtout, ordonne la directrice, madame Vaillancourt, «pas de vagues».

Quant aux parents, plusieurs sont absents, d'autres ne souffrent pas une remarque au sujet de leur petit génie: «On préfère que vous vous contentiez d'enseigner, pas d'éduquer notre fille.»

Monsieur Lazhar nous parle aussi de la difficulté d'immigrer. Les plus ouverts aux gens d'autres cultures telle l'enseignante Claire, voudraient voir dans ce «voyage» quelque chose de romantique. Bachir lui rappelle que pour l'immigrant lui-même, l'exil est un déchirement, un saut dans le vide, qu'il se retrouve «déraciné dans un pays dont on ne connaît rien de la culture».

Monsieur Lazhar n'a pas gagné d'Oscar hier soir, mais il a touché les centaines de milliers de personnes qui l'ont vu. Et ça, ça n'a pas de prix.

Ce film tout en finesse, c'est d'abord l'oeuvre de Philippe Falardeau, bien sûr. Nombreux sont ceux qui y ont contribué. L'auteure de la pièce originale, Evelyne de la Chenelière, évidemment. Les producteurs Luc Déry et Kim McCraw. Les comédiens (séduisant Fellag, charmante Sophie Nelisse, déchirant Émilien Néron).

Enfin, cette nomination aux Oscars est une nouvelle fleur pour le cinéma québécois, dont l'originalité et les qualités artistiques et techniques sont reconnues partout. Bravo! Monsieur Lazhar. Bravo! monsieur Falardeau.