Aux nouvelles télévisées hier, le reportage sur la mise en demeure servie à Gérard Deltell par Jean Charest était suivi de celui sur... les funérailles de Nicolo Rizzuto. Pendant ce temps, une blague s'est mise à circuler sur Twitter: après le décès de Rizzuto, le premier ministre devra tenir une élection complémentaire.

Aux nouvelles télévisées hier, le reportage sur la mise en demeure servie à Gérard Deltell par Jean Charest était suivi de celui sur... les funérailles de Nicolo Rizzuto. Pendant ce temps, une blague s'est mise à circuler sur Twitter: après le décès de Rizzuto, le premier ministre devra tenir une élection complémentaire.

On voit comment les propos tenus par le chef de l'ADQ ont commencé à créer, sournoisement, une association entre M. Charest et le crime organisé. Traiter un adversaire de «parrain» ne relève pas de l'insulte politique ordinaire, genre «girouette» ou «tête de slinky». Le «parrain», c'est le chef de la mafia, la mafia qui assassine, brutalise, intimide, extorque, vit du commerce de la drogue et du pizzo. On peut penser ce qu'on veut de M. Charest, on peut déplorer (à juste titre) son entêtement à ne pas tenir l'enquête publique que tout le monde réclame, l'homme ne mérite pas qu'on l'associe à de telles activités criminelles.

Nous avons souvent déploré ici les excès de langage des élus à l'Assemblée nationale. Ce que nous craignions est en train d'arriver: un véritable cercle vicieux, alors que pour se faire remarquer, les politiciens doivent avoir recours à des propos de plus en plus outranciers. Tous les élus sont complices de ce phénomène, M. Charest comme les autres. Et tous en subissent les conséquences, la principale étant le désabusement des citoyens à l'égard de la classe politique.

On peut supposer que si le chef adéquiste refuse de se rétracter, le premier ministre s'adressera aux tribunaux. Il est dommage qu'il faille en appeler aux juges pour arbitrer le débat politique. Mais que peut faire d'autre l'élu diffamé quand l'autre partie refuse de se montrer raisonnable? Doit-il encaisser les pires insultes parce que tel est le monde politique? Nous ne le croyons pas. La Cour d'appel du Québec non plus, comme elle l'a rappelé dans son jugement de 2003 sur l'affaire Lafferty: «Il est vrai que les hommes et femmes politiques sont sujets à des critiques plus acerbes que le simple citoyen. Le fait de s'élever au-dessus de la foule fait d'eux des cibles de choix. N'est-ce pas là une raison additionnelle pour que la justice traite sévèrement les atteintes à leurs droits fondamentaux?»

Malheureusement, les paroles controversées viennent de la bouche de Gérard Deltell. L'ancien journaliste avait jusqu'ici donné l'impression de vouloir travailler avec rigueur et faire sa marque par ses idées plutôt que par des coups d'éclat sans lendemain. Ses propos déshonorants de samedi lui ont valu l'attention des médias pendant quelques heures. Ils n'auront convaincu personne de la capacité de l'ADQ d'être davantage qu'un parti marginal.