Les débats des chefs seront-ils déterminants pour votre choix le 4 septembre? Qu'allez-vous surveiller particulièrement lors des débats? LES COMMENTAIRES DOIVENT ÊTRE SIGNÉS.

Jana Havrankova



Médecin endocrinologue

DÉBAT OU DISPUTE?

Le débat des chefs reflète notre système électoral basé sur l'opposition plutôt que sur la collaboration. Si un projet opportun, celui qui servirait le bien commun, est formulé par un des partis, les autres, en général, s'efforceront de le démolir. Pourtant, un chef compétent se montre capable de reconnaître les bonnes idées, les adopter ou s'en inspirer. N'attendons pas tant du débat! Au contraire, les chefs seront jugés sur leur combativité et sur l'image qu'ils projetteront. Le citoyen indécis apprendra-t-il suffisamment du programme des partis pour arrêter son choix? Les chefs, vont-ils débattre réellement ou vont-ils se cantonner dans leurs monologues préfabriqués? Malgré l'évidente mise en scène, il sera intéressant d'observer comment les chefs s'acquitteront du débat. Leurs propos seront-ils concrets ou se contenteront-ils des abstractions et des généralités? Les arguments de l'adversaire feront-ils dérailler le chef, le rendront-ils impatient ou hargneux? Sera-t-il capable de les contrer de façon constructive, d'éviter des attaques personnelles et l'évocation des faux pas passés de l'adversaire? Les moments inattendus seront les plus révélateurs en ce qui concerne les chefs. Toutefois, il serait malavisé de baser son choix sur le débat : le programme et l'équipe du parti dépassent l'importance du chef.

Jana Havrankova

Guy Ferland

Professeur de philosophie au Collège Lionel-Groulx de Sainte-Thérèse

CONCOURS DE PERSONNALITÉ

Les débats des chefs ne seront pas déterminants dans mon cas, car mon choix est fait, mais ils peuvent marquer un tournant majeur pour une bonne partie de l'électorat. Le nombre d'indécis indique déjà que la joute oratoire va avoir un impact important pour près de 20 % des électeurs. Au-delà des plateformes électorales et des programmes des partis, les auditeurs des débats auront les yeux rivés sur l'apparence des chefs et sur leurs comportements. Perdront-ils la face, comme Bernard Landry déstabilisé par une attaque de Jean Charest sur une déclaration de Parizeau? Seront-ils trop arrogants, comme Gilles Duceppe à l'endroit de Jack Layton, ce qui a nui au Bloc et a servi le NPD? Feront-ils une bourde immense qui laissera voir qu'ils ne maîtrisent pas leur caractère ou certains dossiers importants? Ce sont les petits détails, grossis par la lentille de la caméra et les analyses des médias, qui vont faire la différence entre une performance rassurante pour les partis ou un poids à porter pour le reste de la campagne électorale. La seule personne qui n'a rien à perdre dimanche soir, c'est Françoise David qui va se faire connaître davantage et qui va mettre Québec solidaire sous les projecteurs en se présentant simplement à ce débat.

Guy Ferland

Robert Asselin

Directeur associé de l'École supérieure d'affaires publiques et internationales à l'Université d'Ottawa

PROPOSITIONS ET TEMPÉRAMENTS

La plupart du temps, les médias couvrent les débats comme des matchs de boxe. Les clergés d'experts que l'on réunit pour l'occasion sont rapides sur la gâchette : il nous faut dans les minutes qui suivent le débat déclarer un gagnant et un perdant. On évalue ainsi le résultat en fonction de qui a donné le meilleur « punch », qui a été le plus à l'offensive, etc. Pour moi, les débats remplissent deux fonctions. Quand le format le permet et que la démagogie des participants ne prend pas le dessus, ils m'aident à comparer les idées et les propositions des différents partis. Et à me faire découvrir davantage les chefs de parti sans le filtre des médias. Ainsi, je peux me familiariser à leur style, à leur façon de communiquer, à leur capacité de contrôler leurs émotions, à leur jugement ; bref à leur personnalité et à leur tempérament. Comme électeur, il ne suffit pas toujours que d'appuyer les idées du parti pour lequel on va voter. On cherche aussi à en savoir plus sur les individus qui aspirent diriger le Québec. Mes cinq critères d'évaluation ? L'intelligence, la confiance, l'authenticité, la compétence et l'intégrité.

Robert Asselin

Denis Boucher

Associé au sein d'un cabinet de relations publiques

PLUTÔT RARE

Depuis quelques jours, on voit que les chefs tentent à tout prix d'abaisser les attentes par rapport à leur propre performance durant les débats alors qu'ils tentent de les élever pour ce qui est de leurs opposants. Avec un électorat comptant près de 20% d'indécis et une base de sympathisants qui semblent encore fragiles pour les trois principaux partis, on peut comprendre que personne ne veut être dépeint comme celui ou celle qui aura perdu la joute oratoire. Il serait cependant surprenant qu'un des trois chefs se barre les pieds et trébuche royalement, mais il serait aussi étonnant que la performance d'un des trois se démarque à ce point que cela puisse constituer un tournant de la campagne. Il y a bien longtemps que l'on a vu un débat faire la différence dans une campagne, mais on ne sait jamais. C'est pour cela que nous serons certainement nombreux à suivre les débats. Avec les indécis qui détiennent encore la balance du pouvoir, on peut s'attendre à ce que les chefs et leurs stratèges mettent le paquet pour convaincre les électeurs et performer.

Denis Boucher

Jean Gouin

Directeur général de la Fédération des médecins résidents du Québec

MAÎTRISE DE SOI ET DE SES DOSSIERS

La présente campagne électorale nous réservera, encore, bien des surprises. Des politiciens comme Pauline Marois et Jean Charest sont des habitués des campagnes électorales et ils sont devenus, avec le temps, des experts en eaux troubles. Mais voilà qu'il y a maintenant un invité, en la personne de François Legault qui est venu brouiller les cartes à un point tel que le sondage CROP-La Presse de cette semaine nous indique que les indécis sont passés de 11% à 19% et cela, en une semaine seulement. Ce ne sont pas les débats qui viendront arranger les choses. Les chefs devront se montrer très convaincants pour appâter les indécis. Il va falloir être beaucoup plus précis sur comment les choses seront faites, car présentement, on a droit à des minipromesses dont le but est de satisfaire diverses clientèles. Les leurres sont nombreux, mais le poisson ne mord pas encore. On donne d'une main, mais on reprend de l'autre et l'électeur a compris la manoeuvre. Il veut de la substance. En aura-t-il lors des échanges musclés auxquels nous assisterons? Il est à espérer que oui, mais je demeure encore sceptique. La personne qui maîtrisera ses dossiers, qui saura garder son calme, celle qui nous parlera à nous les Québécois d'économie sans détour, celle qui fera de l'honnêteté son mantra et celle qui fera preuve de transparence, de souplesse et de fermeté à la fois saura me convaincre. Bonne chance.

Jean Gouin

Mélanie Dugré

Avocate

LA FORME ET LE FOND

Les politiciens sont désormais entourés de fabricants d'images, de conseillers spéciaux et de gestionnaires de crise. Difficile, donc, de départager ce qui, dans leurs propos, leur appartient véritablement de ce qui a été savamment scénarisé par les membres de leur garde rapprochée. Dans ce contexte, les débats des chefs deviennent des occasions en or pour les électeurs d'observer les chefs de parti sans filet de sécurité, d'examiner leurs réactions devant les tirs ennemis et de comprendre leurs différents engagements sur les enjeux qui les touchent. Nous avons tout intérêt à nous pencher tant sur le fond que sur la forme de la performance des candidats. Sur le contenu, nous devrions demeurer critiques devant les promesses trop belles pour être vraies. Quant au contenant, les tics nerveux, la sudation excessive, les rougeurs et les répétitions verbales sauront certes pimenter ces événements. Il faudra toutefois savoir aller au-delà des apparences puisque le meilleur orateur ne sera pas nécessairement le plus apte à diriger la province. Gare aux grands parleurs, petits faiseurs. En définitive, ces débats constituent de précieux outils nous permettant d'évaluer les divers candidats ainsi que leurs programmes et leurs idées. Ne boudons pas notre plaisir et profitons de ce cadeau que nous offre notre démocratie.

Mélanie Dugré

Raymond Gravel

Prêtre dans le diocèse de Joliette et ex-député bloquiste de Repentigny

UN PLUS, SANS PLUS !

Le débat des chefs ne me fait jamais changer mon allégeance politique. Il se peut que je sois déçu de la performance de mon ou de ma chef, mais ça ne change pas mon vote. Il faut être complètement déconnecté de la politique et de l'actualité pour attendre le débat des chefs afin de se faire une opinion en vue de la prochaine élection. C'est malheureux de constater jusqu'à quel point les médias ont une influence sur l'issue d'élections. Au Québec, nous avons vécu cette dure réalité à la dernière élection fédérale, où un Jack Layton malade a mérité la sympathie des gens, lors de son passage à Tout le monde en parle. La majorité des Québécois ont voté pour le NPD, de sorte que le Bloc québécois a presque disparu de la carte électorale. Étant conscient de ce phénomène, les journalistes devraient faire preuve de prudence dans la présentation des différents partis et de l'analyse de leur campagne. En plus des sondages qui jouent un rôle important pour les indécis, certains propos qui reviennent sans cesse dans les différents médias peuvent provoquer un virement de situation souvent inattendue. Dans tous les bulletins de nouvelles, on entend, ces jours-ci, des journalistes qui disent que François Legault a le vent dans les voiles, et pourtant Pauline Marois le devance dans les sondages. Ce pouvoir journalistique est dangereux, parce qu'une partie de la population s'y réfère pour exercer son droit de vote, et il arrive souvent que l'analyse médiatique ne reflète pas la réalité.

Raymond Gravel

Nestor Turcotte

Retraité de l'enseignement collégial

BATAILLE DES SEXES

Que vais-je surveiller? Si j'étais le moindrement cynique, je me risquerais à dire : la couleur de la robe de Pauline Marois, la couleur de la cravate de François Legault, la coupe de l'habit de Jean Charest, la tenue vestimentaire de Françoise David. Ce sera un débat où l'égalité mathématique hommes/femmes sera totale. Une première. Je surveillerai les tactiques employées entre hommes, celles entre hommes et femmes et celle entre femmes. Le style sera certes différent dans les attaques Charest/Legault, Legaut/Marois (deux anciens collègues de travail), Charest/Marois (deux antagonistes de longue date) et Marois/David (deux souverainistes (?) sans boussole).

Je surveillerai aussi les propos de chacun. Charest vantera ses réalisations et ses perspectives d'avenir (Plan Nord); Marois brossera un tableau noir des neuf ans de pouvoir de son adversaire principal et s'en tiendra à des généralités sans parler de l'indépendance du Québec; Legault se présentera comme le sauveur de la nation en péril et Mme David versera, selon son habitude, dans le rêve communautarisme à tous crins.

J'attends aussi la carte maîtresse de Jean Charest. Il en a toujours une cachée dans sa manche. Ne doit-on pas attendre de lui qu'il plante son principal adversaire comme il l'avait fait en 2003, face à Bernard Landry? Quant au débat lui-même, je m'attends, cette fois-ci, à ce qu'il y ait un gagnant. Et la logique me dit que ce sera Jean Charest. Pour quelles raisons? C'est un bagarreur expérimenté. Il sait déceler les failles de ses opposants et les mettre en contradictions. Comme Pauline Marois ne veut pas faire intervenir un cadre financier au cours de ce débat, elle sera sans doute la plus visée, la moins crédible sur bien des points.

Nestor Turcotte

Jean Bottari

Préposé aux bénéficiaires

CHAREST SUR LA DÉFENSIVE

Les débats des chefs ne feront que confirmer mon choix. Il est clair pour moi que le gouvernement de Jean Charest, après neuf ans au pouvoir, n'a plus sa place et a été incapable de gouverner de façon à bien représenter la majorité de la société. Un débat est une occasion pour les chefs de parti de démontrer à quel point ils veulent être le ou la premier(e) ministre de tous les Québécois sans exception. L'un des enjeux importants est sans contredit la santé. Bien que nous soyons habitués à entendre toutes sortes de promesses en campagne électorale, le temps venu pour que les paroles deviennent actions concrètes. Les chefs de parti ont tous des visions différentes du fonctionnement du réseau de la santé. Entre autres, Jean Charest nous promet mer et monde depuis 2003 et très peu de ses belles promesses se sont réalisées. Il aura fort à faire pour nous convaincre que lui et son actuel ministre de la Santé, Yves Bolduc, sont les hommes de la situation. En fait, Jean Charest sera sans doute en mode défensif durant les débats, car les autres chefs de partis démoliront son bilan politique qui n'est guère reluisant en matière de santé. Il sera aussi intéressant d'entendre les propos de Pauline Marois en matière de santé. Elle qui fut ministre de la Santé et qui n'a pas été en mesure d'améliorer la situation sera probablement elle aussi sur la défensive et aura fort à faire afin de nous convaincre qu'elle est LA personne qui a vraiment à coeur de nous doter d'un système de santé humain et performant. François Legault, qui a aussi été ministre de la Santé durant quelques mois sous un gouvernement péquiste nous dira sans doute qu'il n'avait pas les coudées franches au sein du PQ afin de mener à bien ses idées. Par contre, le fait qu'un candidat de l'envergure de Gaétan Barrette se joigne à son équipe lui donnera probablement une crédibilité vis-à-vis l'électorat, ce dont ne jouissent pas M. Charest et Mme Marois.

Jean Bottari

Caroline Moreno

Écrivain et comédienne

UNE BOÎTE SANS SURPRISES

Qu'il s'agisse des chefs ou de certains candidats, on ne peut se défaire du sentiment que le Québec a connu des jours meilleurs en matière de politiciens. Promesses loufoques, insinuations malveillantes, contradictions, mensonges... La campagne électorale vole bas. Le débat du 19 août prochain en sera le reflet. L'ancien chef du Parti conservateur, M. Charest, reprochera à François Legault d'être un ancien péquiste et à Pauline Marois d'être souverainiste. La gauche s'en prendra à la droite et vice-versa. M. Charest sera attaqué de toutes parts pour ses promesses non tenues, sa mauvaise gestion des finances publiques, l'incapacité de son gouvernement à résoudre la crise étudiante et pour les nombreux scandales qui lui sont prêtés. En fin de compte, les médias consacreront vainqueur du débat MM. Legault ou Charest, car ces individus servent leurs intérêts. Quant aux électeurs, ils se prendront à rêver d'un chef qui, dans la dignité, le respect et l'enthousiasme, saurait parler et agir en leur nom. En laissant échapper un soupir, à reculons, ils voteront pour le moins pire plus que par conviction.

Caroline Moreno