Jean Charest soutient que François Legault est à gauche. Pauline Marois croit qu'il est plutôt un conservateur. Le chef de Coalition avenir Québec refuse les étiquettes mais il souhaite s'allier avec l'ADQ, un parti de droite. Et vous, d'après les positions qu'il a adoptées jusqu'à présent, pensez-vous que le nouveau parti de M. Legault se situe plutôt à gauche ou à droite sur l'échiquier politique québécois?

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Mélanie Dugré

Avocate

L'AMBIDEXTRIE DE LA CAQ  

Ce qui fascine dans l'entrée en scène de la CAQ, c'est qu'avant même le prononcé du discours officiel, le parti était favori dans les sondages en vue des prochaines élections. Dans ce contexte qui lui est particulièrement favorable,  je crois que François Legault fera preuve d'une extrême prudence et évitera de se positionner trop franchement à droite ou à gauche et ainsi perdre la faveur d'une tranche précise de l'électorat. Certaines des idées véhiculées par la CAQ sont clairement écrites de la main droite alors que d'autres le sont de la gauche. Je pense que cette ambidextrie a été voulue et planifiée puisque François Legault est un fin stratège doté d'une remarquable intelligence. Il a depuis longtemps compris que l'opportunisme est une des clés du succès en politique. Un parti opportuniste est celui qui se tient sur le bout des orteils afin de mieux passer du pied droit au gauche, et vice-versa, en fonction des tendances économiques et sociales. Plus longtemps la CAQ restera enveloppée d'un certain mystère quant à sa position réelle sur l'échiquier politique, plus facile il sera d'entretenir l'attrait qu'ont pour elle les électeurs. Une fois que les intentions et la ligne exacte de la CAQ seront mises à nue, le charme pourrait pâlir et la lune de miel être écourtée.

Mélanie Dugré

Adrien Pouliot

L'auteur est président de Draco Capital et membre de la commission politique de l'ADQ.

«GOUVERNEMAMAN»... DE DROITE

Les termes «gauche» et «droite» portent à confusion.  Selon les clichés habituels, la gauche défend les pauvres, protège le filet social et favorise la solidarité alors que la droite défend les riches, l'individualisme, l'égoïsme et la loi du plus fort.  En fait, la droite veut limiter les libertés individuelles dans les questions sociales (ex. : mariage gai, consommation de drogues, immigration) alors que dans les questions économiques, c'est la gauche qui cherche de telles restrictions (ex. : redistribuer la richesse, protectionnisme commercial). Les étatistes, de gauche comme de droite, cherchent à utiliser le pouvoir coercitif de l'État pour imposer leur vision du monde.  La question est donc plutôt de savoir si M. Legault veut restreindre le rôle de l'État et favoriser la liberté et la responsabilité individuelles.  La réponse est clairement négative. M. Legault le dit lui-même : au Québec, « on a besoin d'un État fort ».  M. Legault veut mieux « gérer » l'économie, l'éducation, la santé et la culture, comme le ferait un entrepreneur avec son entreprise. La CAQ, c'est la continuation de la déresponsabilisation des individus selon une vision étatique imposée par un être suprême qui connaît mieux que nous nos besoins et nos aspirations. La CAQ, c'est le «gouvernemaman»... de droite!

Adrien Pouliot

Pierre-Yves McSween

Comptable agréé, enseignant au cégep régional de Lanaudière et chargé de cours à HEC Montréal

REMPLIR LE VIDE

Sur une planète ronde, nous sommes toujours à la droite ou à la gauche de quelqu'un. Ainsi, au Québec, même la droite pourrait être vue comme centriste. L'équipe de M. Legault ne propose pas de jeter aux poubelles le système actuel, elle propose des ajustements. Ainsi, en faisant la moyenne des positions (élimination partielle des commissions scolaires, développement de projets privés, mais aussi interventionnisme de la Caisse de dépôt et placement du Québec, etc.), c'est une position plus au centre. Par contre, rien à voir avec la droite issue du libertarianisme. Mais la véritable position de François Legault, c'est de combler un vide. Un vide politique : nous avons soif de voir autre chose que des libéraux qui proposent d'être des adeptes de la langue de bois et des péquistes qui s'objectent à chaque occasion. Des « conditions gagnantes » au changement sont présentes. Toutefois, il faut l'avouer, François Legault n'est pas un tribun exceptionnel. Par contre, il a de l'expérience, est indépendant de fortune et sait où il s'en va. Il a une belle occasion d'amener en politique de nouveaux acteurs et de présenter une équipe à la hauteur du niveau intellectuel de 1976. Reste à savoir si le produit sera aussi prometteur que la publicité le laisse croire. C'est à suivre.

Pierre-Yves McSween

Jana Havrankova

Endocrinologue

NI DE GAUCHE, NI DE DROITE: PRAGMATIQUE 

Pourquoi faut-il absolument étiqueter les politiciens comme étant «de gauche» ou «de droite»? Les idées qui favorisent le bien commun doivent s'inspirer un peu de la gauche : être au service de la population. Et un peu de la droite : utiliser le capital de façon optimale. En ce qui concerne la Coalition, je me limiterai aux propositions en santé, le domaine que je connais le mieux. Donner un médecin de famille à tous les Québécois, attribuer plus de responsabilités aux acteurs de première ligne, abolir les agences de santé et de services sociaux, revoir le rôle et la rémunération des pharmaciens, rendre les directions des établissements imputables, baser le financement des institutions sur l'activité, tout cela est logique et pragmatique et ne requiert pas une désignation de gauche ou de droite. Toutefois, un douloureux souvenir d'une des actions François Legault, alors ministre de la Santé, me hante. Pour régler le manque de médecins dans les urgences, il a envoyé des huissiers chez les médecins pour les contraindre de travailler aux urgences sans égard aux occupations cliniques des praticiens concernés. Il ne s'agissait d'un geste ni de droite ni de gauche, mais d'un comportement dictatorial. Le programme actuel de la Coalition, du moins en santé, contient de bonnes idées. Cependant, comme le diable se cache dans les détails, il convient de surveiller les moyens par lesquels le nouveau parti voudra atteindre ses buts.

Richard Vigneault

Consultant en communication et membre de l'Idée fédérale 

LA CAQ: L'INCONNU

Habituellement, ce sont les militants d'un parti qui impriment les virages à gauche ou a droite à leur formation politique. Comme le parti de M. Legault est un produit en grande partie manufacturé et que c'est encore le parti d'un seul homme, deux si on compte Charles Sirois, le chef du CAQ ne met son clignotant ni à droite ni à gauche et tente de ramasser des adeptes des deux côtés de la route. M. Legault suit les sondages. Sa position sur l'échiquier politique n'est pas encore trouvée. C'est pour ça qu'elle n'est pas claire. À refuser de se coller une étiquette, il prend toutefois le risque de se faire étiqueter par les autres. Actuellement, l'électorat québécois n'est ni à droite ni à gauche. Il est volatile. Au Québec, la droite et la gauche n'ont pas de véritables traditions comme en Europe.  Pour l'instant, ce qui est clair c'est que M. Legault veut s'identifier à l'avenir. Le nom de son parti en fait foi. Toutefois, les sages vous diront que l'on ne peut bâtir l'avenir en faisant un trait sur le passé, comme M. Legault le fait pour sa vie politique antérieure. Comme il le fait également en demandant aux souverainistes et aux fédéralistes de mettre de côté leurs convictions respectives.  Cela n'a pas encore de nom.



Jean Gouin

Directeur général de la Fédération des médecins résidents du Québec

DE LA SÉMANTIQUE, RIEN DE PLUS

Gauche, droite, centre sur l'échiquier politique ne veut pas dire grand-chose lorsque vient le temps d'affronter les problèmes économiques auxquels nous sommes tous confrontés à divers degrés. Il est normal que M. Charest soutienne que François Legault soit plus à gauche, tout comme nous devons comprendre pourquoi Mme Marois soutient que la Coalition avenir Québec est un parti davantage conservateur, donc un peu à droite. L'un et l'autre, M. Charest et Mme Marois, qui sont des politiciens de grande expérience, ne sont pas sans savoir le tort que peut faire la venue de M. Legault sur l'échiquier politique. L'un et l'autre protègent leurs territoires respectifs. L'un et l'autre invitent le nouveau venu à faire le plein d'électeurs dans le vivier du voisin. Enfin, l'un et l'autre savent que leur avenir politique personnel est en jeu. Les Québécois n'aiment pas trop les extrêmes. Ils sont davantage attirés par tout ce qui les rattache au centre. Centre droit. Centre gauche. Peu importe vraiment, en autant que l'on puisse trouver des solutions à plus ou moins long terme aux problèmes de l'heure. Peu importe où se situent les partis politiques sur l'échiquier québécois, celui qui réussira à donner confiance aux Québécois avec des solutions viables sera l'Élu. Pour l'heure, François Legault semble être le préféré. Le reste n'est que de la sémantique, rien de plus.

Jean Gouin

Léo Bureau-Blouin

Président de la Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ)

GLISSEMENT À DROITE

La barque du nouveau parti politique de François Legault tangue parfois à gauche, mais elle sera résolument campée à droite si les rumeurs de fusion avec l'ADQ se concrétisent. Quoiqu'en dise M. Legault, on ne peut absorber la formation politique la plus à droite de l'échiquier politique sans se laisser teinter. Ce glissement à droite de la Coalition pour l'avenir du Québec (CAQ) se confirme lorsqu'on constate qu'aucune des 20 pistes d'action de François Legault ne concerne le développement durable. La situation ne s'améliore pas lorsqu'on apprend que celui-ci est favorable à une augmentation importante du coût des études universitaires. On ne peut toutefois passer sous silence plusieurs pistes d'actions intéressantes telles que le recours à la clause dérogatoire pour mettre fin aux écoles passerelles ou encore la volonté de voir la Caisse de dépôt investir davantage dans l'économie québécoise. Aussi mélangée que soit la CAQ, elle devra tôt ou tard s' «étiqueter», dans le cas contraire, les médias le feront pour elle. À savoir si elle sera affublée du terme «droite» ou «centre droit», les paris sont ouverts!



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Le président Léo Bureau-Blouin