Les Québécois devraient-ils se sentir concernés par la crise grecque qui fragilise la zone euro? Croyez-vous que nous serons affectés éventuellement? Comment?

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Philippe Faucher

Professeur au département de science politique et chercheur associé au Centre d'études et recherches internationales de l'Université de Montréal

LE DÉSESPOIR DES RICHES

La crise de l'euro nous concerne tous. L'incertitude affecte les choix d'investissement et de consommation et donc l'activité économique. Le ralentissement de la croissance a été annoncé ces derniers jours par la Banque centrale du Canada et par la Banque fédérale de réserve des États-Unis. Nous sommes endettés parce que riches. La situation de la Grèce est une manifestation de la limite du système qui autorise les gouvernements des pays développés, à croire, de connivence avec les banques, qu'ils disposent d'un crédit illimité.  Les réserves nationales sont insuffisantes et la rentabilité des investissements trop incertaine. Nous sommes riches parce qu'endettés. Nous vivons une manifestation du déséquilibre entre le surendettement des gouvernements occidentaux et la concentration des capitaux dans les réserves des institutions financières d'Asie et du Moyen-Orient. Parce que la croissance se produit ailleurs, les États-Unis et l'Europe ne peuvent plus siphonner l'épargne internationale. Le gouvernement de la Chine est en droit de s'étonner: pourquoi un pays pauvre devrait-il venir en aide aux populations qui «vivent dans le luxe et l'abondance?»



Philippe Faucher

Laurent Desbois

Président de Fjord Capital

DES EFFETS SÉRIEUX AU QUÉBEC

Oui, les Québécois devraient se sentir interpellés par la crise grecque : la solvabilité des gouvernements et, par ricochet, la stabilité du système financier en Europe sont essentielles pour nous. Un système bancaire européen en difficulté risque d'avoir un impact important sur le système financier canadien, même si le Canada serait moins affecté qu'en Europe, car une crise de confiance mondiale envers les banques augmente les coûts d'emprunt partout. Résultats : le nombre de prêts bancaires consentis aux Québécois pourrait être réduit, de même que la confiance envers la croissance économique mondiale. La crise financière européenne et américaine nous démontre que les pays endettés sont vulnérables non seulement à une crise de solvabilité mais aussi à une crise de liquidités. Cette dernière rend le financement des dettes nationales très difficile, comme en Italie, en plus de forcer des coupures sauvages des dépenses gouvernementales, alors qu'il faudrait plutôt stimuler l'économie. Si la confiance en l'économie mondiale continue de se détériorer, le risque d'une crise de liquidités par laquelle le gouvernement québécois aurait de la difficulté à se financer devient plus élevé, surtout si une récession internationale diminue ses sources de revenus. Sans compter que la crise européenne réduit le prix des actifs financiers, ce qui augmente les déficits actuariels de nos caisses de retraite.



Jean-Pierre Aubry

Économiste et fellow associé au CIRANO.

UNE AUTRE VAGUE S'EN VIENT

Ce qui se passe dans la zone euro est très sérieux. Il pourrait en résulter une seconde crise financière et un ralentissement marqué de l'activité économique en Europe et, dans une moindre mesure, en Amérique du Nord. Le retour au plein emploi et à l'équilibre budgétaire au Canada et au Québec pourrait être retardé d'un ou deux ans.  Ces chocs négatifs seront transmis par le biais de deux canaux: 1) la demande pour nos produits provenant de l'Europe sera en baisse et surtout (2) le secteur financier nord-américain sera soumis à des chocs importants. Toute l'incertitude qui en découlera aura pour effet de ralentir la mise en place de projets d'investissement et la hausse de l'emploi. Les banques centrales devront maintenir encore plus longtemps leur taux directeur à des niveaux très bas et les rendements sur les épargnes (incluant celles détenues dans les caisses de retraites) demeureront faibles encore plus longtemps. La marge de manoeuvre qu'ont les gouvernements et les banques centrales pour contenir les tensions causées par le surendettement de plusieurs pays de la zone euro est très mince. Espérons que ceux-ci l'utilisent avec efficacité. Il faut également comprendre que ce qui se passe dans la zone euro, n'est pas seulement un problème dû à un manque de confiance ou à un besoin de liquidités.  Plusieurs pays doivent faire d'importants ajustements structurels pour retourner à l'équilibre budgétaire et au plein emploi. Cela prendra de nombreuses années et de nombreux sacrifices consentis par leur population.



Jean-Pierre Aubry

Jean Gouin

Directeur général de la Fédération des médecins résidents du Québec

LE RISQUE DE LA SPIRALE ÉCONOMIQUE

La crise grecque a atteint un niveau qui nous fait craindre le pire. Le récent message envoyé par le premier ministre grec Georges Papandréou d'aller en consultation populaire sur un énième plan d'austérité a fait réagir négativement les marchés boursiers d'une part et la classe politique européenne d'autre part. L'ultimatum franco-allemand qui a suivi était on ne peut plus clair. La Grèce doit faire un choix. Le référendum ou la zone euro. M. Papandréou a vite compris que ce choix aura des répercussions sur l'ensemble de la planète. Les parlementaires grecs ont eux aussi compris que la Grèce ne pouvait s'exclure d'elle-même de la zone euro. Il s'agit là d'une excellente nouvelle. Le Canada a bien su, malgré tout, tirer son épingle du jeu jusqu'à maintenant, tout comme le Québec d'ailleurs. C'est une situation qu'on ne peut prendre à la légère et de laquelle, comme Québécois, nous devons nous sentir concernés au plus haut point. Le mouvement Occupation Wall Street est là pour nous le rappeler quotidiennement. Nous vivons sur une corde raide économique et le moindre faux pas pourrait nous mener à une situation désastreuse. L'économie mondiale est fragilisée et si la tempête ne s'apaise pas, nous risquons fortement d'être entraînés dans la spirale économique.



Jean Gouin