Si François Legault décide de fonder son propre parti politique, le Parti québécois est-il condamné à devenir un parti marginal? De plus en plus contesté au sein même du mouvement souverainiste, le PQ est-il menacé de désintégration? Que pourrait faire Pauline Marois pour empêcher le bateau de couler?

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Robert Asselin

Directeur associé de l'École supérieure d'affaires publiques et internationales à l'Université d'Ottawa



ON VEUT AUTRE CHOSE

Assistons-nous à une reconfiguration majeure des forces politiques au Québec? Le sondage CROP de ce matin indique que 60% des électeurs qui ont voté NPD le 2 mai dernier appuieraient François Legault, pourtant pas reconnu comme étant un socialiste de la première heure. Mais pour l'instant, il incarne le changement (même si dans les faits on cherche les grandes réformes dans son programme), profite du désabusement des électeurs et du cynisme ambiant. On veut autre chose, semblent dire de plus en plus de Québécois, comme le confirme leur appui à un parti qui n'avait à peu près pas de racine au Québec aux dernières élections fédérales. Il y a de toute évidence une grande lassitude envers le schème fédéraliste/souverainiste. Dans ce contexte là, les chicanes au PQ ne sont pas étonnantes. Il est confronté à une dure réalité: presque 40 ans de dur labeur n'ont pas convaincu une majorité de Québécois de passer aux actes. Deux fois plutôt qu'une, ils ont dit non. La démobilisation de la génération des boomers est évidente; l'heure n'est pas au projet de société. La gouvernance souverainiste? Les ponts croulent, le système de santé en arrache et la démographie annonce une crise des finances publiques. L'idéalisme qui portait ce mouvement n'est plus au rendez-vous. Pour sa part, Mme Marois incarne la vieille garde du PQ. Elle est otage de son option, un rêve noble qui a mal vieilli, et de l'obsession référendaire du PQ.



Robert Asselin

Guy Ferland

Professeur de philosophie au collège Lionel-Groulx de Sainte-Thérèse



UN PARTI À LA DÉRIVE

L'immense paquebot du Parti québécois est à la dérive depuis le départ de Lucien Bouchard. Les uns après les autres, les chefs ont tenté de ramener la barre dans la bonne direction de la voie navigable de la souveraineté, mais en vain. L'appui à l'option fondamentale du PQ stagne autour de 38 %, selon les sondages. La population du Québec ne semble pas prête à accorder ses faveurs à un parti qui proposerait la souveraineté advenant son élection. Malgré la crise financière qui frappe tous les pays occidentaux, le modèle québécois dans la fédération canadienne a protégé le niveau de vie des citoyens. La prospérité et la sécurité des Québécois ont été assurées dans le système politique actuel, nonobstant tous les irritants des sempiternelles chicanes fédérales-provinciales. Pauline Marois et le PQ ne peuvent rien promouvoir de mieux qu'un pays qui arriverait aux mêmes résultats. À moins d'un rejet clair des aspirations légitimes des Québécois par l'ensemble des Canadiens, le Parti québécois va s'échouer sur les grèves du Saint-Laurent. Le Parti libéral du Québec devrait plutôt craindre en ce moment le gréement d'autres options politiques, car le mouvement de François Legault a le vent dans les voiles...





Richard Vigneault

Consultant en communication et membre de l'Idée fédérale



LES DÉS NE SONT PAS JETÉS

Les turbulences, plus vives au sein du PQ, tiennent à son entêtement à vouloir faire de l'option souverainiste SA priorité, alors qu'une grande majorité de la population ne veut plus avoir à faire ce choix. D'autre part, si les péquistes ne s'entendent pas eux-mêmes sur la marche à suivre, comment peuvent-ils penser que les électeurs vont les suivre? La population veut entendre parler d'emplois, de finances publiques saines, d'éducation et de santé.  Les citoyens estiment que si ces quatre piliers de notre vie collective fonctionnent correctement, le Québec sera plus fort et qu'il sera en meilleure position pour promouvoir et défendre sa langue et sa culture, sans avoir à faire face à l'incertitude de quitter l'ensemble canadien. Cela explique la remontée des libéraux et la percée de François Legault. Or, le PQ continue de distiller l'idée que tous les problèmes du Québec ne pourront être totalement solutionnés qu'une fois séparés du Canada, laissant croire que nous aurons alors des ressources illimitées pour nous développer. De moins en moins de gens, particulièrement chez les jeunes, partagent ce point de vue. Le PQ paie le prix de ne pas vouloir le reconnaître et son chef, Pauline Marois, la première. Mettez François Legault à la tête du PQ actuel et nous verrons le même résultat. Le PQ doit également sa déconvenue au style d'opposition qu'il pratique. Dénigrer tout ce que le gouvernement fait, ne jamais admettre que ce même gouvernement peut parfois poser les bons gestes, envoie une image peu crédible d'une opposition criant toujours au feu, alors que dans l'ensemble, le Québec se porte plutôt bien. C'est en grande partie parce que François Legault a mis de côté son crédo souverainiste qu'il est plus populaire que son ancien parti. Toutefois, le problème de tous les partis politiques réside dans le fait qu'il est de nos jours absolument impossible de prévoir les mouvements de l'électorat. On l'a vu le 2 mai dernier. Ce problème de volatilité guette aussi le futur parti de François Legault . Car comment peut-on expliquer raisonnablement que l'opinion publique ait une aussi piètre opinion de tous les autres politiciens alors qu'elle plébiscite un François Legault dont les intentions sur ce qu'il est nécessaire de faire pour résoudre les problèmes du Québec sont encore bien nébuleuses ? Aimerait-t-on François Legault parce qu'il n'a encore rien fait, qu'il n'a pas encore de programme, qu'il n'a pas encore de parti  et qu'il propose un gel de 10 ans de la question nationale ? Que répondra-t-il à la question suivante quand l'inévitable moment de la poser viendra : êtes-vous souverainiste ou fédéraliste? François Legault pourra-t-il tenir un mandat en répondant ou en agissant comme s'il n'était ni l'un ni l'autre. Les sondages nous disent que l'avenir de la souveraineté, du PQ et de Pauline Marois est incertain. Ils nous prédisent un balayage en faveur d'un parti qui n'existe pas encore et une remontée des libéraux de Jean Charest. Les dés sont loin d'être jetés.





Pierre-Yves McSween

Comptable agréé, enseignant au cégep régional de Lanaudière et chargé de cours à HEC Montréal



DU COURAGE POLITIQUE

Si François Legault fonde son parti, il fera indubitablement du mal au Parti québécois, car il ira chercher une portion du vote des souverainistes modérés ou des nationalistes. Ce parti a l'occasion de donner à la population ce qu'elle veut, reste à savoir si la nouvelle formation aura le courage politique de le faire. Premièrement, il est plus que temps que le Québec se dote d'un système où chaque électeur a le même poids: le manque de courage politique et l'opportunisme a jusqu'ici échoué dans ce domaine (parlez-en à l'ancien Directeur général des élections). Deuxièmement, il est grand temps de revoir la justice de notre système fiscal et les comportements déviants qu'il crée. Troisièmement, nul doute que la règle du déficit zéro ne tient pas la route, alors qu'aucune réserve pour les infrastructures n'est en place: raison pour laquelle elles s'écroulent une par une: il faudra accepter de faire des surplus budgétaires. Quatrièmement, utiliser la Caisse de dépôt comme outil gouvernemental, voilà qui semble l'approcher de la vision économique de Parizeau: où se distingue-t-il du PQ sur ce point ? Cinquièmement, la Coalition pour l'avenir du Québec se voulait une trêve pour le débat constitutionnel et se voulait un projet rassembleur, il faudra être très prudent sur l'utilisation ou le renforcement de la loi 101. Le véritable défi de l'équipe Legault est de rassembler francophones et anglophones sous un projet commun, s'inspirer des jeunes et comprendre que le monde a changé. La tournée de la CAQ ne devra pas se limiter à un exercice marketing, mais une véritable ouverture aux propositions des citoyens. Le PQ sera vraisemblablement relégué au troisième rang aux prochaines élections. Pauline Marois doit faire un constat, elle n'a pas le charisme qu'il faut pour attirer la sympathie des Québécois. En d'autres termes, elle ne passe pas. Si elle veut sauver le navire, elle doit démissionner. Des questions?





Pierre-Yves McSween

Gaétan Frigon

Président exécutif de Publipage inc et ancien président-directeur général de la Société des alcools du Québec et de Loto-Québec



MÊME DESTIN QUE LE BLOC?

Il est toujours difficile de prévoir ce qui arrivera à un nouveau parti politique. L'ADQ est le meilleur exemple de cette vérité. Arrivé aux portes du pouvoir, il s'est tout simplement écroulé pour devenir une entité négligeable. En principe, François Legault est l'antithèse du politicien. Homme d'affaires averti, il est capable d'analyser une situation avec un sens critique qui n'est pas la norme dans le monde politique. Personnellement, je crois qu'il va fonder son propre parti politique et qu'il connaîtra un succès surprise, soit en prenant le pouvoir, soit en devenant l'opposition officielle devant le Parti québécois. Et il y a peu de choses que Pauline Marois peut faire pour empêcher son propre bateau de couler. L'histoire démontre que le Parti québécois est une bête difficile à contrôler. Et il l'est d'autant plus que les purs et durs du début ont pris de l'âge et veulent un nouveau référendum le plus tôt possible avant qu'il ne soit trop tard pour eux. Ce n'est pas le pouvoir qu'ils veulent mais l'indépendance du Québec, oubliant que l'un ne va pas sans l'autre. Considérant, en plus, que Pauline Marois ne passe tout simplement pas la rampe auprès de la population en général, il se pourrait fort bien que le Parti québécois suive la route du Bloc québécois et finisse dans les bas-fonds de la politique.





Gaétan Frigon

François Bonnardel

Député adéquiste de Shefford  



UNE CRISE PROFONDE

Dès son entrée en fonction, chaque nouveau chef du Parti québécois a amené avec lui espoir et promesses de changements au sein de sa formation politique. Si on en juge par les résultats qu'ils ont obtenus jusqu'à présent, le constat est clair et limpide : le Parti québécois est incapable de se renouveler. Tant par sa façon de faire de la politique que par les idées qu'il véhicule, il demeure toujours le même vieux parti sclérosé dont les problèmes sont bien plus profonds que la seule popularité de son actuelle chef. À la lumière des débats qui y ont fait rage au cours des derniers mois, on comprend à quel point il se trouve plus que jamais loin des préoccupations des Québécois. Pendant que nos concitoyens s'inquiètent de l'état de nos finances publiques, du fonctionnement de notre démocratie, de l'éducation de nos jeunes ou de la santé de nos aînés, le Parti québécois s'entre-déchire sur le moment le plus opportun de tenir un autre référendum! Bref, la crise majeure que traverse le PQ nous confirme encore une fois que la réponse au fort désir de changement des Québécois ne passe plus par cette formation politique. La question nationale suscitant de moins en moins l'intérêt des citoyens, le PQ se condamne lui-même à devenir un acteur marginal dans notre paysage politique.





photo archives La Voix de l'Est

Le député de Shefford, François Bonnardel.

Jean Gouin

Directeur général de la Fédération des médecins résidents du Québec



LA CALE SÈCHE

Le sondage CROP-La Presse paru jeudi est éloquent sur la tendance qui semble se profiler à l'horizon dans le paysage politique québécois. L'arrivée de François Legault dans ce paysage en bouleverse toute la donne et permet aux Québécois d'espérer des changements si, d'aventure, M. Legault devenait premier ministre. La lassitude des Québécois face aux partis politiques actuels est manifeste mais elle l'est davantage à l'égard du Parti québécois, qui n'a de cesse de se chamailler publiquement sur la stratégie à adopter pour faire l'indépendance. Il m'avait semblé que le message avait été passablement clair en mai dernier, alors que le Bloc québécois était pratiquement rayé de la carte électorale. Il est également évident que le mouvement souverainiste est de plus en plus bancal et que, si rien n'est fait pour redresser un tant soit peu le gouvernail péquiste, le Parti québécois sera menacé de désintégration. À savoir si le mouvement lui-même disparaîtra de nos écrans radars, je suis loin d'en être certain. Les souverainistes de toutes les tendances devront, par ailleurs, prendre le recul nécessaire pour éventuellement se regrouper sous un nouveau porte-étendard. Sinon, les factions issues de ce groupe continueront à le miner et c'est le mouvement lui-même qui en pâtira. C'est malheureux pour Mme Marois mais, comme ses matelots ne rament pas tous dans le même sens, elle devra déployer des efforts surhumains pour garder le cap durant cette tempête. Le Parti québécois risque de passer quelques temps en cale sèche avant de reprendre du service avec possiblement, un nouveau capitaine.





Jean Gouin

Frédéric Mayer

Doctorant en administration des relations internationales à l'ÉNAP



UNIR POUR RÉGNER

Le Parti québécois est né de l'union des forces souverainistes. René Lévesque avait réussi ce tour de force qui lui a permis de prendre le pouvoir au milieu des années 1970. Même si celles-ci ne sont pas manifestes, plusieurs factions cohabitent au sein de ce parti. Plus à gauche, plus à droite, étapistes, référendistes et autres forment le coeur de cette organisation politique. Des leaders plus ou moins importants au sein du PQ sont porteurs de ces différentes visions. Le chef de cette formation se doit d'être très fort et capable de compromis pour tenir ces leaders unis autour de son objectif ultime. Depuis les dernières élections générales, Jean-Martin Aussant, Louise Beaudoin, Camil Bouchard, Benoît Charrette, Pierre Curzi, Lisette Lapointe et François Legault ont quitté les rangs du parti. Ce n'est pas cinq, mais bien sept démissionnaires que peut maintenant revendiquer ce parti. À ceux-ci, il est possible d'ajouter Louise Harel qui n'a certainement pas quitté la vie politique avant l'élection pour se consacrer à sa famille. Nous pouvons reconnaître parmi ceux-ci plusieurs leaders. Louise Harel est à la tête d'une formation municipale; François Legault dirige sa coalition qui deviendra possiblement une nouvelle formation politique; Jean-Martin Aussant songe à instaurer une autre entité; Pierre Curzi a dirigé l'Union des artistes; Louise Beaudoin a été à la tête d'un des ministères parmi les plus prestigieux et Lisette Lapointe n'est pas la moindre des députés du PQ. Ceci donne l'impression que Mme Marois, ou son entourage, veut de faire le vide de toute autre source de leadership autour d'elle. Dans le cas du PQ, il ne faut pas diviser pour régner, il faut unir.



Agnès Maltais

Députée péquiste de Taschereau



LA PORTEUSE D'UNE VISION

Le Parti québécois est et a toujours été une vaste coalition regroupant des membres qui viennent de tous les horizons et qui ont le même désir, celui de voir le Québec devenir un pays normal, s'affranchir, devenir libre. Pauline Marois est la femme qui a su réunir, qui a su rebâtir, qui consulte, qui écoute, qui entend. Il suffit de passer quelques minutes à ses côtés pour comprendre, croire, et rêver. Rêver du même pays qu'ont rêvé avant elle René Lévesque, Jacques Parizeau, Lucien Bouchard et Bernard Landry. Pauline Marois est bien loin d'avoir fini son mandat. Au contraire, elle l'entame. Ce mandat, elle l'a reçu par un appui formidable  au récent congrès du Parti québécois. Elle est maintenant la fière porteuse d'une vision, d'un programme qui provoqueront les importants changements qu'attendent les Québécois. François Legault, lui, entouré de fédéralistes, a abandonné le projet de René Lévesque et de millions de Québécois.

Agnès Maltais