Selon La Presse, les agriculteurs québécois utilisent de plus en plus de semences génétiquement modifiées pour résister aux herbicides. Des scientifiques s'inquiètent des effets néfastes de ces semences, de même que de l'utilisation massive de certains herbicides. Craignez-vous l'impact des OGM et des herbicides sur votre santé? Prenez-vous de mesures particulières pour vous en protéger?

LES COMMENTAIRES DOIVENT ÊTRE SIGNÉS. MAXIMUM DE 150 MOTS.

Sylvain Charlebois

Vice-doyen à la recherche et aux études supérieures de l'Université de Guelph en Ontario

OFFRIR AUX CONSOMMATEURS TRANSPARENCE ET CHOIX

Au Québec, les consommateurs ingèrent des OGM depuis 1994. Personne ne peut se vanter de n'avoir jamais englouti le moindre OGM. Ils sont partout. Ils se retrouvent dans plus de 70% des produits que l'on achète à l'épicerie. Plus de 20 pays et 8,5 millions d'agriculteurs cultivent à présent des OGM. Clamer que les OGM sont néfastes pour la santé des consommateurs tient de la pure fantaisie. Aucune recherche scientifique homologuée par des groupes de chercheurs réputés ne démontre que les OGM représentent un risque pour la santé publique. Ce qui est bon ou nocif pour la santé, ce n'est pas le gène, c'est-à-dire l'ADN qui est détruit par la digestion, mais la façon dont les protéines synthétisées sont altérées par tel ou tel gène dans l'organisme mangé. C'est tout. Les recherches qui évoquent le contraire ont la plupart du temps une approche méthodologique facilement contestable et une portée scientifique limitée. Mais les craintes, quant à elles, persistent et sont aussi réelles. Nous devons d'abord et avant tout protéger les droits des consommateurs en leur offrant une transparence et un choix. La communication du risque n'est pas une relation à sens unique, mais plutôt un processus interactif d'échanges entre des individus, des groupes et des institutions. Cette dynamique de communication favorise la compréhension de phénomènes complexes, et le public, mieux informé, est ainsi plus sensibilisé aux risques réels, plutôt qu'influencé par ses peurs et les risques perçus. Le Canada doit établir un cadre législatif permettant ainsi de mieux gérer les risques à long terme.

Pierre-Olivier Pineau

Professeur agrégé à HEC Montréal

AU-DELÀ DE LA SANTÉ PHYSIQUE

Si des impacts directs et à court terme sur la santé ne sont pas à craindre, les choses sont très différentes pour le long terme. Non seulement les effets exacts sur les écosystèmes sont inconnus, ce qui est en soi une grande préoccupation, mais l'utilisation grandissante d'OGM et d'herbicides s'inscrit dans une logique incohérente de développement, qui remet en cause notre santé économique et pourrait même affecter notre santé mentale, à force d'accumuler les contradictions. Tout d'abord, la santé économique est affectée par l'approche «OGM-herbicide» parce que cela contribue à une surproduction agricole déjà subventionnée, qui affecte à la baisse les prix du maïs et du soya (en particulier), grandes sources de sucre pour les humains et de protéines pour les animaux d'élevage. Or la consommation de sucre et de viande est déjà trop élevée, entraînant un gonflement des problèmes d'obésité, qui alourdit les coûts du système de santé. Notre santé mentale est aussi en jeu, parce que la loi 118 sur le développement durable (de 2006) annonce des principes de «santé et qualité de vie», «prévention», «précaution», «préservation de la biodiversité», «respect de la capacité de support des écosystèmes», «pollueur-payeur» et «internalisation des coûts». Où se retrouvent ces principes lorsqu'il est question d'OGM et d'agriculture? Il est de plus en plus difficile de tolérer ces contradictions dans la gouvernance, où on renie en pratique des principes par ailleurs présentés comme modèles. Il a de quoi devenir schizophrène.

Jana Havrankova

Endocrinologue

LES OGM, UNE EXPÉRIMENTATION NON ÉTHIQUE

Produire plus d'aliments pour nourrir la population mondiale croissante serait un but louable de la mise en marché des semences génétiquement modifiées, conçues pour améliorer le rendement des terres agricoles. Toutefois, à ce jour, l'utilisation des OGM n'a pas répondu à cet impératif. Au contraire. Les prix des aliments augmentent, de plus en plus de personnes souffrent de faim, les petits fermiers dans les pays en développement subissent la concurrence féroce des multinationales qui se servent allégrement des OGM. La sacro-sainte productivité et la course au profit règnent sans égard pour les risques indéniables pour la biodiversité. Y a-t-il des dangers pour la santé humaine? Personne ne le sait vraiment et il sera extrêmement difficile de répondre à cette question. Le principe de précaution devrait donc prévaloir. Mais comment prendre ces précautions si nous ignorons ce que nous mangeons? Toutes sortes de renseignements figurent sur les étiquettes des aliments, mais le consommateur ne saura pas s'il ingurgite un produit dont les éléments proviennent des OGM. Santé Canada attend des preuves de dangerosité avant d'apposer une étiquette «OGM». En fait, Santé Canada convie tous les Canadiens à une expérimentation sans leur consentement. Un comité d'éthique rejetterait une telle proposition immédiatement.

Pierre-Yves McSween

Comptable agréé et chargé de cours à HEC Montréal

MONSANTO ET COMPAGNIE

Personnellement, je tente de me rapprocher de plus en plus de la nature dans ma consommation de nourriture. Évidemment, même en lavant avec attention mes légumes, rien ne me prouve que ceux-ci ne contiennent pas de produits toxiques absorbés durant leur croissance. Ai-je peur des herbicides? Je dois l'avouer, je me sens bien esclave de ce que les épiceries et les marchés me proposent. Dans notre mode de vie, nous sommes très loin de l'autosuffisance, étant tous un peu soumis à la confiance que nous portons aux produits absorbés. Je veux bien porter attention aux OGM, mais je me rends compte que j'en absorbe tous les jours. À quel point les modifications génétiques sont-elles dangereuses? Une tomate n'est pas naturellement ronde, une carotte n'est pas naturellement droite et une fraise est normalement plus petite. Les aliments me semblent aujourd'hui sans saveur par rapport à ceux que mes parents achetaient au marché. Ai-je peur d'une compagnie comme Monsanto? Oui. Quand une société contrôle la majorité des semences d'OGM sur la planète, elle contrôle ou influence le chemin de notre évolution collective. Au Québec, il est temps que nous ramenions notre vigilance sur ce que nous mangeons et absorbons. Quand il est question de nourriture, plusieurs tentent de minimiser le coût plutôt que de maximiser les bienfaits pour leur enveloppe corporelle. Cela fait cinq ans que j'ai cessé complètement de consommer des boissons gazeuses par soucis pour ma santé. Puis-je en faire autant aussi facilement avec le reste de mon alimentation? Il y a des menaces bien souvent invisibles dans notre assiette quotidienne. Au-delà de la nourriture, il faut peut-être revoir ce que nous consommons en général. L'initiative présentée par Annie Leonard, The Story of Stuff, porte un regard intéressant sur le sujet.

Michel Pigeon

Député pour le Parti libéral du Québec dans Charlesbourg

UNE ATTITUDE OUVERTE ET PRUDENTE

Les OGM font l'objet de nombreux débats depuis plusieurs années, tant au sein des milieux scientifiques que politiques. L'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) a d'ailleurs étudié les implications de ces nouvelles techniques de production alimentaire, relevant d'une part les risques qui y sont liés, mais insistant d'autre part sur les nombreux avantages potentiels pour la productivité agricole, l'environnement et la santé humaine. À partir de ces constats, la FAO a adopté en 2000 une déclaration soulignant le grand potentiel des biotechnologies, mais recommandant une certaine prudence. Le gouvernement du Québec a emboîté le pas dès novembre 2000, en appuyant la signature du Protocole de Cartagena, qui établit des règles pour encadrer la circulation et l'utilisation des OGM. Concrètement, cet encadrement a fait en sorte qu'à peine 10 espèces génétiquement modifiées sont actuellement approuvées pour commercialisation au Canada, principalement à des fins d'alimentation animale. La place des OGM dans notre panier d'épicerie reste donc très limitée. Dans l'optique où une grande partie de l'humanité peine à se nourrir au quotidien, les biotechnologies telles que les OGM constituent une solution qu'il vaut la peine d'explorer par la recherche scientifique, tout en continuant à appliquer un contrôle strict sur leur commercialisation. Nos concitoyens ne doivent pas craindre les OGM, mais il est normal que le gouvernement ait à cet égard une attitude à la fois ouverte et prudente.

En collaboration avec Jérémy Boulanger-Bonnelly

Jean Gouin

Directeur général de la Fédération des médecins résidents du Québec

LA NATURE DE L'HOMME

L'homme a cette tendance à toujours repousser ses limites et à aller plus loin dans tout ce qu'il entreprend. C'est ainsi que l'homme a conquis l'espace, a débarqué et marché sur la Lune, et se prépare fébrilement à faire de même sur Mars. L'évolution observée chez les organismes génétiquement modifiés (OGM) n'échappe pas à cette règle et, d'une première génération, nous passons à la suivante. Il va de soi que les agriculteurs les apprécient davantage, car elles leur font économiser de l'argent et Monsanto, qui en détient le monopole, en est fort conscient. Les agriculteurs deviennent donc dépendants des générations d'OGM produites par Monsanto. Ce qui est moins évident, par contre, ce sont les conséquences sur l'homme qui peuvent en résulter. Actuellement, aucun organisme n'est en mesure d'apaiser les craintes que nous pourrions avoir quant aux effets délétères possibles des OGM sur notre santé. Il n'y a aucune corrélation entre les OGM et le fait que les gens vivent plus vieux que jamais, comme le prétend un producteur de soja Roundup Ready. Il ne semble pas non plus y avoir d'évidence scientifique marquée des effets de l'utilisation à grande échelle des OGM et du glyphosate. Par ailleurs, certaines mauvaises herbes deviennent plus résistantes aux glyphosates et des traces de ce produit ont été trouvées dans la rivière Yamaska. Nous avons le même problème avec la surutilisation des antibiotiques. Il y a résistance et c'est là que les effets négatifs se développent. Mais l'homme n'apprend que de ses erreurs. C'est sa nature.

Adrien Pouliot

Président de Draco Capital Inc., société d'investissement privée

POUR UNE ÉVALUATION OBJECTIVE

L'Organisation mondiale de la santé considère que l'usage des OMG n'est pas dangereux. À ce jour, leur consommation n'a pas provoqué d'effets indésirables connus sur la santé. Greenpeace les a néanmoins baptisés les Frankenstein Foods, les Killer Tomatoes et les Terminator Seeds et voudrait les interdire en application du supposé «principe de précaution».  Le principe de précaution signifie que pour réaliser un projet ou créer une entreprise, l'entrepreneur a l'obligation de prouver que celle-ci n'a pas d'effets dommageables sur l'environnement. Or, il est impossible scientifiquement de prouver qu'un produit ne cause pas de tort. On peut faire des tests sur un million de personnes et n'avoir aucun résultat dommageable, mais cela n'empêche pas que le produit puisse faire du tort à la millionième personne. Les politiques environnementales ne doivent pas être fondées sur des croyances, des exagérations, des spéculations, des dogmes ou des programmes politiques opposés à l'amélioration du niveau de vie des êtres humains ou menés par des groupes d'intérêt. Elles devraient plutôt être basées sur la science et aussi tenir compte d'une évaluation objective de leurs impacts économiques.

Jean Rousseau

Député du NPD dans Compton-Stanstead

IL FAUT REVOIR LA RÉGLEMENTATION

Les Québécois ont raison de s'inquiéter en raison de l'introduction massive des OGM, dont on connaît trop peu les effets à long terme sur la chaîne alimentaire et sur la santé. Pour sa part, le gouvernement fédéral a trop souvent approuvé la commercialisation de semences génétiquement modifiées sans tenir compte des études objectives de la communauté scientifique internationale, se fiant plutôt sur des études produites par les fabricants d'OGM, dont l'intérêt commercial est plus qu'évident.  C'est pour cette raison que le NPD propose de revoir la réglementation entourant les aliments génétiquement modifiés. Lors de la dernière session parlementaire, nous avons déposé le projet de loi C-474 visant à protéger les agriculteurs qui souhaitent pouvoir cultiver en toute connaissance de cause et ainsi assurer l'accès aux marchés locaux et internationaux. Et malgré l'appui unanime des députés du NPD et du Bloc, le projet de loi a été battu par le gouvernement conservateur et une majorité de députés libéraux influencés par un lobby intense voulant protéger le statu quo. Mais le NPD ne lâchera pas prise. Nous continuons de proposer des pistes responsables pour protéger la santé des citoyens, la durabilité de nos pratiques agricoles et les débouchés commerciaux pour nos produits.