Que pensez-vous de la composition du nouveau cabinet Harper? Du retour de Maxime Bernier? De l'accession de Steven Blaney au conseil des ministres? Avec quatre ministres, le Québec sera-t-il en mesure de faire entendre sa voix au cabinet?

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Richard Vigneault

Consultant en communication et membre de l'Idée fédérale

QUATRE SUR CINQ!

Quatre ministres sur une députation qui en compte cinq, c'est déjà un effort qui sera probablement reproché à Stephen Harper par d'autres régions du pays qui se trouveront mal représentées. Harper envoie ainsi le signal qu'il doit compter avec le Québec. Outre son caucus et ses ministres québécois, le PM aura intérêt à rebâtir les ponts avec le gouvernement Charest dans le but de prouver aux Québécois qu'il ne les tient pas pour quantité négligeable et qu'il prend leurs intérêts à coeur. Sinon, il alimentera la grogne et l'opposition ne sera plus seulement sur les banquettes réservées à cette fin à la Chambre des communes, mais un peu partout dans les groupes de pression et les médias. Quant à Maxime Bernier, il sera suivi à la trace, mais on peut présumer qu'il aura appris de ses erreurs. Lebel, Paradis et Blaney ont par le passé prouvé leur loyauté. Ils sont peu nombreux, mais auront une voix d'autant plus forte pour parler au nom du Québec. Compte tenu du caractère imprévisible d'une grande partie du caucus néo-démocrate québécois, Stephen Harper entretient probablement l'espoir de remporter au Québec quelques élections partielles dans les mois ou les années qui viennent.

Mathieu Bock-Côté

Chargé de cours en sociologie à l'UQAM

LE PARI DE LA STABILITÉ

Stephen Harper a fait le choix de ne pas ignorer le Québec. Évidemment, il ne disposait pas dans son jeu de candidats-ministres poids lourds. Un mot sur les nouveaux venus: Maxime Bernier, malgré ses indéniables frasques passées, a sa place au cabinet. Si l'homme a manqué de jugement, on ne lui contestera pas une philosophie politique articulée, d'inspiration libertarienne, certes, mais qui l'amène souvent à défendre, pour des raisons qui lui appartiennent, une délimitation stricte du partage des compétences entre le gouvernement fédéral et les provinces. Sa réintégration au cabinet lui permettra peut-être de témoigner d'une nouvelle maturité qu'on lui souhaite. On ne peut pas en dire autant d'un Steven Blainey, qui ne semblait pas prédestiné à l'exercice de fonctions ministérielles, pour le dire d'un euphémisme. Il faut souhaiter qu'il ne donne pas l'image d'un ministre en culottes courtes. Plus vastement, toutefois, ce cabinet n'annonce pas le virage à droite que craignait une partie des contempteurs des conservateurs. Ces derniers semblent vouloir conforter l'image d'un gouvernement de stabilité plutôt que d'un gouvernement idéologique. Cela ne veut pas dire qu'ils n'entendent pas transformer en profondeur le Canada, mais qu'ils ne le feront pas avec précipitation et brutalité.

Louis Bernard

Consultant et ancien haut fonctionnaire au gouvernement du Québec

UN CABINET RÉVÉLATEUR

Le nouveau cabinet Harper reflète bien la réalité canadienne telle qu'elle se présente aujourd'hui et pour les quatre prochaines années et demie. Pour ceux qui croient encore au concept des «deux nations», c'est un cabinet qui permettra à la nation canadienne de se développer suivant l'évolution démographique, économique et politique qui prévaut dans les autres provinces, sans le frein et le contrepoids des besoins et aspirations de la nation québécoise. Le Canada poursuivra son petit bonhomme de chemin sans avoir à tenir compte continuellement des réactions du Québec. Avec le temps, ce qui est susceptible d'en résulter, c'est l'accélération du phénomène de distanciation déjà en cours entre le Québec et le Canada. Étant donné les résultats électoraux, M. Harper a fait du mieux qu'il a pu: quatre députés sur cinq sont nommés au cabinet, et deux ont reçu des postes importants. Ils devront cependant faire leurs preuves rapidement: M. Lebel aux Transports en ce qui concerne le nouveau pont Champlain, et M. Paradis à l'Industrie en ce qui concerne le chantier naval Davie. Leur performance dans ces dossiers contestés sera l'indice de leur poids réel dans une équipe où ils sont en forte minorité.

Pierre-Yves McSween

Comptable agréé et chargé de cours à HEC Montréal

MINISTRES PAR DÉFAUT

Le décompte d'inventaire des députés conservateurs, au lendemain des élections, ne laissait pas beaucoup de marge de manoeuvre au premier ministre Stephen Harper. Pour s'assurer d'une représentation du Québec au sein du cabinet, il s'est retrouvé à tenter, je dis bien tenter, de former une équipe toute étoile de quatre joueurs avec cinq candidats (dont certains rappelés des ligues mineures). Soyons honnête, la sélection québécoise en est une par défaut. M. Lebel hérite d'un important ministère, ce qui constitue une légère consolation. On ne peut pas dire que Maxime Bernier revient par la grande porte au cabinet du Canada: les excuses sont acceptées, mais le pardon se fait encore attendre. Ne soyons pas dupes, le gouvernement conservateur est majoritaire et les quelques Québécois ne sont pas assez nombreux pour influencer ce dernier. Mais le coup d'éclat de la journée est sans aucun doute les nominations de Josée Verner, Fabian Manning et Larry Smith (pour une deuxième fois!). Sommes-nous en train de dire qu'être ministre par défaut, ou candidat non élu, signifie une place bien chaude à la Chambre haute? Est-ce que le Parti conservateur du Canada ne serait pas en train de placer ses pions pour élire les prochains juges à la Cour suprême du Canada? On dirait bien que c'est la volonté sous-entendue. Pour un gouvernement qui voulait réformer le Sénat, il est un peu ironique qu'on nomme des «non-élus». Le cas de Larry Smith est particulièrement cinglant: le Sénat agit à titre de club-école ou de maison de retraite au Parti conservateur du Canada. Le ridicule ne tue pas, mais il semble faire perdre la mémoire.

Françoise Bertrand

Présidente de la Fédération des chambres de commerce du Québec

LES DÉFIS DES MINISTRES QUÉBÉCOIS

Le poids du Québec au sein du cabinet Harper est représentatif des choix électoraux du Québec, ce n'est donc pas à moi d'en juger. Néanmoins, il faut souligner que le Québec hérite de dossiers ministériels qui ont un impact économique important, dont les transports et l'industrie. Pour la Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ) que je dirige, il est important que le nouveau ministre fédéral des Transports se penche rapidement sur la question de l'avenir du pont Champlain. Cette infrastructure, comme l'ensemble des liens terrestres, aériens, ferroviaires et maritimes, est primordiale pour l'avenir économique de la région métropolitaine et du Québec. Je suis sûre que les ministres du Québec ont tout en main pour comprendre les enjeux québécois, et pourront adéquatement prendre les décisions qui s'imposent. J'espère qu'ils apporteront au cabinet la sensibilité requise pour comprendre et accepter nos divergences, comme sur le projet de commission des valeurs mobilières unique. Entre temps, la FCCQ travaillera avec tous les élus québécois afin de faire avancer l'économie du Québec.