Dans le budget présenté jeudi, le gouvernement Charest a annoncé des mesures visant les régimes de retraite. Par exemple, les travailleurs qui prennent leur retraite avant 65 ans verront leur rente diminuée. À l'inverse, ceux qui retarderont leur retraite auront droit à une rente accrue. Le gouvernement a aussi annoncé la mise en place de régimes volontaires d'épargne-retraite qui seront offerts par tous les employeurs. Êtes-vous favorable à cette politique?

Claudette Carbonneau

Présidente de la CSN

POUR UNE PROTECTION DE RETRAITE ÉQUITABLE

La CSN ne saurait s'opposer à l'idée d'assurer la pérennité du Régime des rentes du Québec, seul régime universel de retraite pour l'ensemble des travailleurs québécois.  Nous sommes par ailleurs très critiques quant aux moyens retenus pour renflouer la caisse, de même qu'à l'égard de la frilosité dont fait preuve le gouvernement pour assurer la sécurité financière des retraités. Que l'on revoie les pénalités actuarielles liées à la retraite dès 60 ans, prétextant ne pas vouloir faire reposer ces coûts sur l'ensemble des participants, c'est une chose. C'en est une autre de ne rien prévoir pour celles et ceux qui occupent les emplois les plus pénibles au sein de notre société et pour qui la retraite avant 65 ans s'impose comme une question incontournable. C'est faire preuve d'insensibilité aussi à l'égard des personnes qui doivent se retirer hâtivement parce qu'elles sont aux prises avec des invalidités permanentes. Il y a un réel problème de sécurité financière à la retraite alors que 60% des travailleurs n'ont accès à aucun régime complémentaire et que la RRQ ne peut, à elle seule, assurer une retraire décente. Nous réitérons notre revendication à l'effet d'instaurer des régimes obligatoires de retraite dans toutes les entreprises avec contribution patronale, comme cela se fait notamment en Australie et dans les Pays-Bas.

Simon Prévost

Président, Manufacturiers et exportateurs du Québec

UN BIEN MAUVAIS SIGNAL

Il faut assurer la pérennité du Régime des rentes du Québec et c'est ce que le gouvernement fait dans le budget par la hausse des cotisations au RRQ. Mais il est très malheureux que cette nouvelle hausse des taxes et cotisations sur la masse salariale n'ait pas été compensée par une baisse équivalente dans l'un ou l'autre des programmes financés par ce type de cotisations. Par exemple, une faible réduction des bénéfices du Régime québécois d'assurance parentale, très généreux et très coûteux, aurait pu être envisagée pour que la hausse des cotisations du RRQ n'ait pas d'impact sur le fardeau fiscal des contribuables. La réforme proposée nous laisse sur notre faim et l'augmentation des taxes et cotisations sur la masse salariale nuit à la croissance de l'emploi et lance un bien mauvais signal aux entreprises créatrices de richesse. La création d'un régime volontaire d'épargne-retraite est une initiative intéressante pour permettre à davantage de Québécois d'avoir des revenus de retraites suffisants. Ceci dit, considérant le niveau déjà très élevé des charges sociales payées par les employeurs au Québec, les entreprises veulent avoir l'assurance que les contributions à ce régime demeureront facultatives.

François Dupuis

Vice-président et économiste en chef au Mouvement Desjardins

IL FALLAIT AGIR RAPIDEMENT

À compter de 2013, les prestations versées par le Régime des rentes du Québec (RRQ) surpasseront les cotisations. Sans ajustement, la réserve serait totalement épuisée en 2039 en raison de trois principaux facteurs: l'allongement de l'espérance de vie, une retraite plus précoce qu'auparavant et les faibles rendements pour le régime récemment. Il fallait donc agir rapidement. Pour renverser la situation et ainsi assurer la pérennité du régime, le gouvernement a annoncé que le taux de cotisation passera de 9,9% à 10,8%. Le RRQ tentera aussi de favoriser les retraites plus tardives. Des ajustements sont donc mis en place pour encourager les travailleurs à demeurer sur le marché du travail. Par exemple, il sera moins avantageux pour les contribuables de prendre leur retraite dès l'âge de 60 ans et de demander le paiement de leurs prestations du RRQ. Pour intensifier les avantages pour les travailleurs plus expérimentés à rester sur le marché du travail, le gouvernement ajoute aussi un crédit d'impôt pour les personnes âgées de 65 ans et plus. L'impact important qu'auront les changements démographiques sur la croissance économique du Québec et, par le fait même, sur les finances publiques, capte l'attention du gouvernement et l'incite à réagir pour contrecarrer en partie ces effets négatifs. En somme, le souci de l'épargne épargne bien des soucis!

Adrien Pouliot

Président de Draco Capital Inc., société d'investissement privée

TRANSFÉRER LE POUVOIR DE L'ÉTAT VERS LE TRAVAILLEUR

Tenter de colmater les brèches du RRQ par ces deux mesures et, surtout, par la hausse proposée des cotisations ne fait qu'accentuer l'iniquité intergénérationnelle du régime (les jeunes paient pour les vieux) sans nécessairement assurer la viabilité à long terme du régime - et on hausse les taxes québécoises sur la masse salariale qui sont déjà les plus hautes au Canada. La meilleure façon de garantir l'avenir de l'épargne-retraite des jeunes Québécois d'aujourd'hui serait - tout en garantissant les prestations des retraités actuels - de donner l'option aux travailleurs toujours actifs d'investir pour leur retraite dans leur propre compte d'épargne-retraite (avec une cotisation équivalente de leur employeur) plutôt que de les forcer à dépendre de la Caisse de dépôt et placement du Québec. Il s'agirait, en fait, de transférer le pouvoir de l'État vers le travailleur, du passage d'un monopole public vers des comptes individuels privés. Ce modèle existe avec succès, en tout ou en partie, dans une trentaine de pays aux quatre coins du monde (dont la Suède, le premier pays au monde à se doter d'un régime de retraite public universel). Il responsabilise le travailleur et lui donne plus de flexibilité et une propriété réelle et tangible dans son épargne-retraite.

Pierre-Yves McSween

Comptable agréé et chargé de cours à HEC Montréal

LE PARTY EST TERMINÉ

Tout d'abord, on doit comprendre que le RRQ n'est pas une forme d'impôt, mais un régime de retraite gouvernemental à prestations déterminées. Comme le rendement des placements n'atteindra plus les versements promis aux retraités, on se retrouvait devant deux choix: hausser les cotisations (la contribution des employeurs et employés) ou réduire les montants promis aux rentiers. Le ministre des Finances, Raymond Bachand, a décidé d'opter pour un mélange des deux: il retarde le moment de la retraite, pour ceux ne désirant pas être pénalisés, en plus de hausser les cotisations. Rien ne se perd, rien ne se crée: tout se transforme. Il était urgent d'agir. Les nouveaux retraités des prochaines années auraient profité d'une rente qu'ils n'auraient pas gagnée si aucun correctif n'avait été apporté. Ainsi, avant que ces derniers ne prennent leur retraite, il fallait absolument amoindrir le choc des générations futures qui auraient vu leur bas de laine fondre comme neige au soleil. Assurer une retraite digne de ce nom aux Québécois est primordial. Le RRQ et la sécurité du revenu sont une base, mais ce n'est pas suffisant. Le gouvernement Charest n'a pas eu le courage politique d'appliquer les recommandations de Claude Castonguay en proposant de nouveaux régimes d'épargne-retraite volontaires à la place de régimes obligatoires. Parmi les 7,8 millions d'habitants, des millions de cigales n'auront en définitive plus la force de chanter.

Gaétan Frigon

Président exécutif de Publipage Inc. et ancien président-directeur général de la Société des alcools du Québec et de Loto-Québec

LE GOUVERNEMENT A TROP ATTENDU

Dans un premier temps, il est important de clarifier une chose: toute augmentation des cotisations à la Régie des rentes du Québec ne peut être considérée comme une augmentation de taxes ou d'impôts. Il s'agit d'un programme qui doit s'autofinancer et le rôle du gouvernement est justement de s'assurer que, sur une base actuarielle et mathématique, le régime aura toujours les revenus nécessaires pour payer les pensions le moment venu. Donc, s'il y a un reproche que l'on peut faire au gouvernement, c'est d'avoir trop tardé pour augmenter les cotisations et/ou diminuer les rentes pour ceux qui veulent prendre leur retraite avant d'avoir atteint l'âge de 65 ans. S'il est vrai que le régime aurait été à sec dans 30 ans sans les mesures annoncées, on peut conclure que le gouvernement a justement attendu trop longtemps, probablement pour des raisons politiques, avant d'agir. En ce qui a trait aux entreprises qui se plaignent de devoir payer plus pour leurs employés, elles ont tort. Le régime des rentes du Québec fait partie des coûts que toute entreprise se doit d'assumer. En mots plus simples, cela fait partie du coût de faire des affaires. En ce qui a trait à la mise en place d'un nouveau régime d'épargne-retraite, on ne peut tout simplement pas être contre la vertu. L'important est qu'il s'agit d'un régime volontaire. Mais d'ores et déjà, je suis de ceux qui pensent que ce régime remportera un succès immédiat.