Je me surprends souvent à réfléchir à l'influence qu'auraient eu les réseaux sociaux sur ma vie s'ils avaient été présents lors de mon adolescence. Aurais-je été de ces malchanceux qui, à cause d'une erreur ou d'un verre de trop, voient leurs exploits de stupidité soudainement marqués de façon indélébile sur cette espèce de patrimoine commun qu'est l'internet? Aurais-je été de ces malchanceux qui réalisent avec le temps que cet instant capturé, le plus souvent à leur insu, sera peut-être dorénavant et à jamais leur apport le plus important à la communauté?  Combien de chances encore auront ces gens de passer un message à des milliers de personnes d'un seul coup? Je ne peux qu'imaginer l'impact dévastateur qu'auraient eu YouTube ou Facebook sur ces moments si pénibles et insensés de mon adolescence. Les jeunes aujourd'hui vivent avec une pression beaucoup plus importante que celle dont j'ai souffert: de savoir que leur moindre faits et gestes peuvent être enregistrés et partagés avec des centaines ou des milliers de personnes; de vivre dans la possibilité de devenir aujourd'hui et pour toujours la «farce du jour». Ces vedettes instantanées doivent être plus fortes que moi parce que même aujourd'hui, bien ancré dans ma vie d'adulte, j'aurais beaucoup de difficulté à passer par dessus un pareil évènement; qu'est ce que ça aurait été à 13 ans! Comment une expérience aussi traumatisante aurait changé la personne que je suis aujourd'hui, ma confiance, ma vie sociale? S'il y a une chose dont je suis certain, c'est que l'internet, lui, n'oublie jamais.